Les électeurs de la République fédérale du Nigéria seront appelés, le samedi 25 février 2023, à s’exprimer dans les urnes afin de pourvoir à la succession du président Buhari. La politique économique du prochain président du Nigéria affectera, à ne point douté, peu ou prou, les relations commerciales entre le géant de l’Afrique de l’ouest et le Bénin surtout les activités du secteur informel.
Nafiou OGOUCHOLA
Les relations commerciales et politiques entre le Bénin et le Nigéria pourraient se renforcer, se maintenir ou se détériorer au lendemain des élections présidentielles qui auront lieus dans quelques semaines. Trois candidats sortent du lot des 18 en lice pour briguer la magistrature du plus grand Etat de l’Afrique de l’ouest. Il s’agit de Bola Ahmed Tinubu, 70 ans, représentant le parti au pouvoir, le All Progressives Congress (APC) ; Atiku Abubakar, 76 ans, se présentant au nom du principal parti d’opposition, le Parti démocratique populaire (PDP) et Peter Obi, 61 ans, membre du PDP jusqu’en 2022 qui espère briser le système bipartite qui domine le Nigéria depuis la fin du régime militaire en 1999, se présentant pour le compte du Parti travailliste, peu connu.
Inflation, chômage et insécurité, les thèmes de référence de la campagne électorale au Nigéria
La République fédérale du Nigéria traverse des difficultés sur les plan économique, dans le secteur de l’emploi, la promotion industrielle et surtout dans la volonté d’auto-alimentation. Les candidats aux élections présidentielles imminentes en font d’ailleurs leur cheval de bataille. Car, les performances qui sanctionnent la fin du second mandat de Mohammed Buhari ne sont pas reluisantes. En 2022, l’inflation a augmenté pendant 10 mois d’affilée, tombant tout juste à 21,3 % selon les derniers chiffres publiés ce mois de janvier 2023. En raison de cette hausse du coût de la vie, de nombreuses familles ont du mal à joindre les deux bouts, les médias locaux qualifiant la situation de « désastreuse ».
Le chômage est également un problème majeur, laissant de nombreux diplômés craindre de ne pas trouver de travail même après des années d’études universitaires. Les derniers chiffres du Bureau national des statistiques du pays montrent que 33 % de la population est sans emploi, ce chiffre passant à 42,5 % pour les jeunes adultes. Bien qu’il s’agisse d’un important producteur de pétrole, quatre Nigérians sur dix vivent sous le seuil de pauvreté et « manquent d’éducation et d’accès aux infrastructures de base, telles que l’électricité, l’eau potable et des installations sanitaires améliorées », selon la Banque mondiale.
La réduction de l’insécurité est aussi l’une des principales préoccupations des électeurs, dans un pays qui connaît actuellement une crise des enlèvements contre rançon et qui est aux prises avec une insurrection islamiste dans certaines régions du nord.
Des réformes s’imposent dans les relations commerciales entre le Bénin et le Nigéria
La résolution des difficultés que traverse le Nigéria passe, d’une manière ou d’une autre, par des réformes dans les relations commerciales qu’entretient le géant de l’Afrique de l’ouest avec ses voisins et partenaires commerciaux notamment la République du Bénin. Sur le plan économique et commercial, les motifs d’insatisfaction du prochain président du Nigéria envers les autorités béninoises sont nombreux. Tout d’abord, malgré la fermeture et la réouverture de ses frontières avec ses voisins notamment le Bénin, le Nigéria continue d’assister impuissant à l’envahissement de certains de ses marchés par des productions occidentales et asiatiques via le Bénin. Pendant que certains analystes soutiennent que le Nigéria pourrait rééditer l’exploit de la fermeture de ses frontières en prenant certaines précautions pour moins en subir les affres, d’autres expliquent que la fragilité de l’état de santé de l’actuel président, Mohammed Buhari, en était pour quelque chose dans la réouverture des frontières soutenant ainsi que le Nigéria pouvait très bien résister longtemps sans les échanges commerciaux avec ses voisins par voies terrestres. Ainsi donc, le prochain président du Nigéria, pour peu qu’il poursuive la lutte contre l’entrée des produits asiatiques et occidentaux par voies terrestres via le Bénin, reviendra à coup sûr à la charge avec des exigences telles que formulées par Mohammed Buhari qui ouvrait le marché nigérian aux productions locales béninoises et non aux produits de réexportation. Mieux, le Nigéria vient d’inaugurer, le 23 janvier 2023, par Muhammadu Buhari, le port en eau profonde de Lekki (Lekki Deep Sea Port), sis dans le Sud-Est de l’Etat de Lagos, qui constitue la plus grande plateforme maritime du Nigéria et l’un des plus profond d’Afrique de l’Ouest d’un coût d’investissement de 1,5 milliard de dollars, soit 906 milliards FCFA. Un motif supplémentaire pour densifier la lutte contre les produits de réexportation passants par le Bénin.
Ensuite, le Nigéria s’est rendu compte, depuis plusieurs décennies déjà, qu’elle ne peut compter seulement sur le pétrole pour financer son économie. A l’heure de la diversification économique, les groupes nigérians ambitionnent d’étendre leurs influences sur les marchés ouest-africains notamment celui béninois. Le magnat Aliko Dangote ne s’en cache pas depuis plusieurs années. Il veut desservir le Bénin en ciment et autres denrées alimentaires. Comme lui, ils sont nombreux à être intéressés. Non seulement l’ouverture de certains marchés béninois aux entrepreneurs nigérians va accroître leurs chiffres d’affaires mais cela offrira aussi plus d’emplois aux nigérians qui en ont grand besoin.
Enfin, la commercialisation de l’essence par voie informelle au Bénin pose un problème d’équilibre et de manque à gagner. En effet, l’Etat nigérian subventionne l’essence qui est achetée au Nigéria par des béninois qui la revendent au Bénin. Ce qui fait que les consommateurs béninois jouissent de la subvention accordée à leurs homologues nigérians. Le prochain président du Nigéria, pour peu qu’il s’inscrire dans une mesure de restriction budgétaire et économie des dépenses, pourra mener une lutte contre la commercialisation de l’essence subventionnée par l’Etat nigérian au Bénin. A lui de trouver la formule qui s’impose.