Un métier à temps plein, à temps partiel ou pour arrondir la fin du mois
Sans impôts ni taxes, le ‘’bizi’’ plus rentable que les métiers décents ?
Les réseaux sociaux se sont enflammés depuis quelques jours après la divulgation d’images et vidéos mettant en scène des jeunes béninois dans ce qu’il serait peu dire d’appeler un film pour adultes. La récurrence de ces faits oblige notre rédaction à se pencher sur cette question dont le point de départ est la recherche de moyens financiers pour subvenir aux besoins fondamentaux.
Les jeunes femmes béninoises, à l’instar de leurs congénères un peu partout dans le monde, s’en vont grossir chaque jour un peu plus, le rang des prostituées. Désignée sous de noms divers et variés, une forme de prostitution a la côte actuellement. Appelée ‘’bizi’’, elle étend ses tentacules dans la société béninoise, décime les valeurs de la société et handicape les efforts des gouvernants pour que la gent féminine joue pleinement son rôle dans le processus de développement du Bénin. En effet, grâce aux excellentes opportunités du numérique, beaucoup de jeunes femmes béninoises n’ont plus besoin de battre le pavé pour se dénicher des ‘’clients’’ comme elles les appellent. « Je suis dans des groupes Whatsapp de bizi. Dès qu’un client est prêt, il me contacte inbox et on discute. Dès qu’on est d’accord sur le prix de ce qu’il veut, on se donne rendez-vous et je gère mon bizi», confie Bernice K., une jeune béninoise résidant dans le premier arrondissement de Cotonou. Ainsi, ni vues ni connues, les jeunes femmes abonnées à cette prostitution s’en vont gérer leur ‘’bizi’’ sans se donner le mal de héler les clients aux abords des rues ou dans les maisons closes. Ce qui semble les dédouaner dans leurs activités. Sylvie T., ‘’géreuse’’ de ‘’bizi’’, résidente à Porto-Novo, explique : « Le bizi ce n’est pas la prostitution. Je ne fait pas ça tous les jours et puis il y a des clients avec qui nous développons des amitiés et parfois même cela conduit au mariage ».
Un métier à temps plein, à temps partiel ou pour arrondir la fin du mois
La gestion du ‘’bizi’’ est faite par des jeunes femmes issues de plusieurs couches socioprofessionnelles. De nos enquêtes, il ressort que des élèves aux cadres en passant par les femmes exerçant des activités professionnelles diverses et les prostituées, le ‘’bizi’’ englobe toutes les couches socioprofessionnelles au Bénin. C’est le cas de Judith D., propriétaire d’une boutique de vente de divers à Abomey-Calavi. « Normalement, un homme comblé est toujours généreux envers sa partenaire sexuelle. Donc le ‘’bizi’’ n’est pas la prostitution. J’accepte de sortir avec un homme quand il me plaît. Et c’est normal qu’il me donne de l’argent », a-t-elle confié. Quant à la périodicité de ses activités ‘’bizi’’, la jeune femme a renseigné. « Moi je gère le ‘’bizi’’ les week-ends. Vendredi soir, samedi soir et dimanche. On fait bien la fête, je satisfais le client et il me paye. Du lundi au vendredi, je m’occupe de ma boutique. Mais il y aussi des fois où des clients sûrs ont besoin de moi entre lundi et vendredi ».
Le ‘’bizi’’ est un travail à plein temps pour d’autres jeunes femmes. Comme Pauline S., rencontrée à Cotonou, elles sont un bon nombre à vivre exclusivement de cette forme de prostitution. « Avant, je travaillais dans une cabine téléphonique. C’est là que je rencontrais des hommes qui m’invitaient. Après j’ai laissé ce travail parce que j’avais assez de sollicitations. Actuellement je ne fais que ça et je réussis à économiser un peu pour mon avenir », a-t-elle expliqué.
Les difficultés financières astreignent certaines jeunes femmes à se lancer dans le ‘’bizi’’. Aïcha, une jeune étudiante de 22 ans a pu nous renseigner sur son cas. « J’ai des copines qui gèrent le bizi régulièrement. De temps en temps, quand j’ai besoin d’argent, je leur dis et elles me trouvent un client ».
Sans impôts ni taxes, le ‘’bizi’’ plus rentable que les métiers honorables ?
La prostitution et ses dérivés, en pleine expansion au Bénin, est un secteur que le gouvernement béninois n’est pas encore arrivé à fiscaliser. Or, ce secteur compte des milliers de femmes qui font d’importantes recettes dans la gestion du ‘’bizi’’. A tel point qu’aujourd’hui, la formalisation de certaines activités grâce à leur fiscalisation peut se révéler être une excuse toute trouvée par certaines jeunes femmes pour justifier leur préférence pour le ‘’bizi’’. « L’argent que je gagne en gérant le bizi est pour moi. Je ne paye pas de taxe ni impôt sur mes activités. Si j’ouvre une boutique, je dois payer taxe et impôt, si je veux faire quelque chose d’honorable, je dois payer taxe et impôt. Mais avec le ‘’bizi’’, c’est main à main et c’est cash. Moi je veux juste gagner beaucoup d’argent pour réussir l’avenir de mes enfants », a expliqué Roukayath L. à Agla, dans la ville de Cotonou. Bien que cet argumentaire semble plus être une excuse toute trouvée qu’autre chose, cela pose le réel problème de la fiscalisation du secteur de la prostitution et activités connexes au Bénin.
Luc TOSSOU