- De fausses promesses pour attirer les étudiants
- Des milliers de jeunes bacheliers préfèrent se lancer directement dans la vie active
La rentrée académique 2022-2023 est fixée au lundi 19 septembre 2022. A un peu plus d’un mois de cette échéance, les établissements d’enseignements supérieurs et/ou professionnels rivalisent de stratégies pour faire le plein d’étudiants. La question de l’adéquation de ces formations avec le marché de l’emploi au Bénin est loin d’être à l’ordre du jour. Le destin de milliers de jeunes béninois se joue pour si peu.
Luc TOSSOU
La rentrée des classes 2022-2023 sera effective dans six semaines environ au Bénin. Actuellement, dans les concessions, bureaux et lieux de travail aux heures de pause, les parents de futurs étudiants n’hésitent pas à partager leurs préoccupations avec leurs collègues, parents, amis et proches. Cadre, à cinq ans de sa retraite dans un service de l’administration publique béninoise, Herman K., est confronté à ce problème. « Mon benjamin vient d’avoir le baccalauréat. Je veux qu’il fasse une filière qui va lui permettre de travailler assez rapidement après sa formation. Je ne veux pas qu’il soit obligé de faire des stages non payés et autres petits jobs pendant des années avant de se stabiliser. Quelle filière choisir et être sûr que les entreprises béninoises auraient besoin des compétences dans ce secteur dans trois ou cinq ans quand il aura la licence ou le master ? », s’interroge-t-il. Comme lui, ils sont nombreux ces parents qui sont hantés par le spectre du chômage et du sous-emploi au terme des formations de leurs enfants. Propriétaire d’une blanchisserie à Cotonou, Yasmine T., partage son appréhension et renseigne sur des pistes de solution. « J’ai trois enfants qui ont chacun un master dans sa filière. Mais j’ai dû les soutenir pendant plusieurs années après leurs diplômes avant qu’ils ne puissent se stabiliser. Ce n’est pas facile. C’est vrai que certains, pas nombreux, réussissent à trouver un emploi stable dès la fin de leur formation. Mais soit c’est parce qu’ils ont des parents qui les recommande soit c’est parce qu’ils ont déjà acquis de solides expériences avant d’avoir leur diplôme », a-t-elle expliqué.
De fausses promesses pour attirer les étudiants
Obnubilés par la recherche d’effectifs, donc de profits, certains établissements privés d’enseignement supérieur usent de subterfuges divers pour décider parents et étudiants à leur faire confiance. Par exemple, parents et étudiants veulent toujours savoir si les établissements privés trouveront des stages aux étudiants à la fin des formations. Ce à quoi la plupart des universités privés répondent par l’affirmative. Mieux, parents et étudiants sont rassurés de ce que ce stage peut déboucher sur un emploi stable si l’étudiant travaille bien. A la fin des examens, la plupart des étudiants de la plupart des universités privés du Bénin se débrouillent pour chercher des stages en binôme. Très souvent, ce sont les parents, proches et amis qui les aident à trouver des stages académiques pour valider leurs diplômes.
De même, certains établissements privés d’enseignement supérieur ne conseillent que les filières dont ils disposent aux parents et étudiants. Sous l’apparence des ateliers d’orientation à l’endroit des étudiants, des universités les invitent à se faire former dans les filières dont elles disposent leur faisant croire qu’il y a beaucoup à gagner dans ces secteurs. « J’ai participé à plusieurs séances d’orientation. Mais chaque université nous montre les avantages qu’on a à nous y inscrire et les débouchés des filières qu’elle propose. Moi je veux savoir de manière concrète dans quelle filière me faire former pour avoir un travail dès la fin de ma formation. Un conseiller m’a orienté vers les Ressources humaines, au vu de mes talents. Mais mon frère a le master dans cette filière et aujourd’hui il gagne sa vie dans l’entrepreneuriat agricole. Je ne veux pas perdre de temps », a renseigné Hervé M., jeune bachelier à Abomey-Calavi.
Des milliers de jeunes bacheliers préfèrent se lancer directement dans la vie active
Le spectre du chômage et du sous-emploi pousse des milliers de parents et détenteurs du baccalauréat à se lancer sans plus attendre dans la vie active. Pour Jean-Luc, récent bachelier, la question ne se pose même pas. « Aller dépenser des millions dans une université privée ou souffrir des années à l’UAC pour avoir des diplômes et se retrouver au chômage ? Mes parents sont pauvres. Je préfère me trouver quelque chose à faire assez rapidement et commencer à gagner de l’argent », soutient-il.
L’inadéquation entre la formation et l’emploi au Bénin handicape les efforts du gouvernement, des parents et des bacheliers qui sont astreints à prendre des risques incommensurables pour avoir une chance de réussir leurs vies. Il urge de trouver un mécanisme sûr et efficace qui permette à tous les parents et apprenants de savoir exactement quelles sont les formations dont le besoin se fait sentir sur le marché de l’emploi au Bénin à court, moyen et long termes.