« Ce serait sympa que le président Patrice Talon parraine la cohorte 2024 »
La cohorte 2023 du programme Young leaders dévoilée, il ressort que deux jeunes de moins de 40 ans portent haut l’étendard du Bénin dans ce programme de la French-African Foundation co-présidée par un talentueux béninois nommé Khaled Igué. Les deux béninois sélectionnés dans la catégorie ‘’Gouvernement et Organisation Internationale’’ sont Randa Adechoubou et Ouanilo Medegan Fagla. En vue de mieux connaître celui-ci, un professionnel du numérique avec une spécialisation dans la cyber sécurité, notre rédaction lui a posé quelques questions. Au fil des réponses, se dessine un homme de conviction qui arrive à rendre service aux autres et son pays tout en travaillant dans des secteurs d’activités qui le passionnent.
Lire ci-dessous l’intégralité de l’interview réalisée avec Ouanilo Medegan Fagla.
L’investisseur : Vous êtes sélectionnés pour prendre part au programme Young leaders 2023 de la French-African Foundation. Quels sentiments vous animent après cette sélection ?
Ouanilo Medegan Fagla : Cette sélection suscite en moi d’abord de l’enthousiasme. Parce que j’ai pu regarder la cohorte de 2023 et ce sont des personnes très brillantes, très intéressantes venues d’horizons variés. Je suis très enthousiaste à l’idée de rencontrer ces personnes, tisser des liens avec elles et de pouvoir échanger, brainstormer sur de nouvelles synergies que nous pouvons créer chacun dans son secteur avec de nouvelles connections.


En quoi votre participation au programme Young leaders 2023 peut apporter quelque chose au Bénin ?
Depuis que je suis dans des projets au Bénin, quelque chose m’habite de manière continue. C’est de mettre le Bénin sur la carte. Disons que je suis un peu habité par la vision du ‘’Bénin révélé’’. Le Bénin révélé par ses actions qui ont des impacts à l’interne mais qui aussi, du coup, se positionne en référence au niveau international. Donc l’idée pour moi reste toujours que par toutes les actions, tous les projets, on puisse avoir un impact qui mette le Bénin en avant sur la scène internationale. C’est vraiment cette doctrine que je vais essayer de promouvoir, de manière à ce que les gens puissent percevoir tout le potentiel qui est au Bénin en gestation, en cours de développement, et déjà en cours d’exploitation, de manière à ce qu’il y ait plus de dynamiques qui rentrent et qui sortent.
Aujourd’hui où la plupart des jeunes pensent en priorité à leurs intérêts personnels, qu’est-ce qui fait qu’un jeune comme vous nourrit des ambitions pour le progrès de son pays, le Bénin ?
Je ne vais pas mentir et dire que je ne pense pas à moi non plus. Entre parenthèses, mon prénom c’est Ouanilo et quand je traduis simplement en français, on peut dire ‘’que tes actes soient des légendes’’. Je pense aussi à moi parce que dans ces actions là je vois aussi mon épanouissement personnel. On n’est pas obligé de se sacrifier pour obtenir le rayonnement du Bénin. Je pense que les deux peuvent se faire. Donc, dans toutes mes actions, je me considère aussi comme quelqu’un de très chanceux aussi dans le sens où je ne fais que des choses qui me passionnent. C’est peut-être cela qui fait que j’arrive à mettre 200% d’énergie dans tout ce que je fais parce que ce ne sont que des choses qui me passionnent et qui jamais ne paraissent trop lourdes ou trop ennuyeuses. Dans ces initiatives, l’idée reste quand même d’avoir de l’impact. D’abord pour les béninois et ensuite pour le rayonnement à l’étranger.
Vous êtes un leader dont les hautes compétences sont mises en valeur par le programme Young leaders 2023. Quel parcours vous a mené au niveau où vous êtes aujourd’hui ?
Je suis arrivé en France à l’âge de 15 ans, après mon BAC et j’ai pu faire des études en informatique. J’étais déjà très orienté cyber sécurité, j’avais même déjà commencé avant de partir en France. Et j’ai pu poursuivre ça en filigrane tout au long de mes études jusqu’à en faire ma spécialité. Un peu avant la fin de mes études, j’ai eu à travailler chez un opérateur téléphonique pour monter un laboratoire de recherche et développement plutôt sur la rétro ingénierie. Il s’agit de chercher à comprendre comment fonctionnent des technologies sans en avoir les sources pour pouvoir atteindre des objectifs d’interopérabilité. J’ai travaillé dans ce laboratoire pendant plusieurs années. Ensuite, j’ai rejoint un éditeur de solutions de sécurité pour les opérateurs d’internet. C’était un opérateur américain pour lequel j’avais travaillé.
Et il s’est fait qu’ayant déjà eu à jouer un rôle dans la pédagogie de l’école où j’étais qui est une école française appelée Epitech, créée en 1999, j’ai été rappelé par la direction d’Epitech pour les accompagner dans une deuxième phase d’expansion au niveau national. C’est-à-dire créer de nouveaux campus en France. Donc, pendant deux ans, j’ai travaillé à l’ouverture et à la consolidation de nouveaux campus d’Epitech dans toute la France notamment à Montpellier, Nice, Strasbourg et autres villes où j’ai pu être pour consolider et maintenir ces campus-là. Je suis resté sur l’école de Paris où j’ai pris la direction pédagogique pendant quelques temps. Ensuite je suis passé à la coordination nationale de tous les campus.
C’est en faisant cela que j’ai décidé de commencer à revenir au Bénin. Et mon retour au Bénin s’est opéré en 2016 grâce à la confiance du chef de l’Etat. J’ai pu rejoindre le Bénin où je suis arrivé à la présidence en tant que chargé de mission du numérique auprès du Bureau d’analyse et d’investigation sous la houlette du Conseiller spécial du Président de la République, Johannes Dagnon.
Depuis que je poursuivais mes études, j’avais comme ambition, quand je vivais la pédagogie d’Epitech, une pédagogie assez spéciale parce qu’elle est active et intuitive, je me suis dit qu’il serait excellent qu’on ait ça au Bénin. Pendant plusieurs années, j’ai mûri ce projet et quand je suis revenu au Bénin, dans le cadre du projet Seme City, nous avons pu réaliser l’installation du seul campus d’Epitech en Afrique qui existe au Bénin depuis 2019 et compte aujourd’hui plusieurs centaines d’apprenants, près de 400. C’est aussi un des acquis à mettre à l’actif du travail que nous avons abattu.
Quels sont les atouts dans votre parcours qui vous ont valu une sélection au programme Young leaders 2023 ?
Je pense que je dois ma sélection à deux choses, plus ou moins. Déjà l’amour du numérique. C’est quelque chose que je fais depuis très petit. Je peux passer mes nuits devant un ordinateur. Je le fais encore aujourd’hui, malgré toutes mes responsabilités, on peut encore me voir tard dans la nuit en train de faire des choses techniques devant mon ordinateur. Avec les responsabilités, on passe plus du côté managérial du travail car on parle plus de projets, rapports, mails que de technique mais je refuse de perdre la technique et je suis toujours en train de faire des choses techniques, après mes rapports, mails et autres. Je peux le faire jusqu’au petit matin sans m’en rendre compte même. Donc, c’est vraiment cet investissement en temps que j’ai pu mettre dans cette passion qui fait qu’aujourd’hui, j’ai une bonne vision et une bonne connaissance des choses. Et c’est cette connaissance qui me permet d’accomplir des choses utiles pour cette dynamique.
La deuxième chose c’est la ténacité. Par ailleurs, ma troisième passion c’est un sport de combat que j’œuvre à vulgariser au Bénin. Nous avons créé l’Association Bénin fighting championship et aussi une salle de sport qui s’appelle le ‘’Hêviosso MMA’’ (Mixed martial arts). Nous entrainons des champions que nous envoyons à l’international. Ce sont des jeunes pour la plupart déscolarisés, sans beaucoup d’autres perspectives, qui ont pu grâce à la pratique de ce sport se faire connaître à l’international et ils gagnent aujourd’hui des millions. Ils combattent dans de grandes organisations et ils ont des visibilités partout même aux Etats-Unis. J’en parle parce que c’est un sport que je pratique depuis environ 20 ans. Cela me donne de la pugnacité. Une fois que je suis entouré des bonnes énergies, je ne laisse jamais tomber. Une fois que j’ai l’objectif dans le viseur, il faut qu’on y aille. Et c’est une analogie avec la cyber sécurité parce que quand vous allez dans un système pour voir ses failles, vous pouvez être refroidi au premier abord parce que vous ne voyez rien et vous pouvez abandonner vos recherches. C’est cette capacité à ne pas abandonner et poursuivre malgré les épreuves que je développe dans tous les domaines.
Que représente le programme Young leaders pour vous ?
Comme je l’ai dit un peu plus haut, c’est ce fourmillement d’énergies et de talents qui se retrouvent dans les cohortes du programme Young leaders qui m’a attiré. Mais au final, nous parlons de relation entre la France et l’Afrique. C’est un programmé qui est co parrainé par le chef d’Etat français et un chef d’Etat africain. Cette année il s’agit du président français Emmanuel Macron et du président du Rwanda Paul Kagamé.
Comment est-ce qu’on peut créer des synergies qui peuvent être profitables au continent de la rencontre ou du parrainage de ces deux chefs d’Etat ? Disons au continent parce que ce que nous pouvons transformer en réalité au Bénin peut être transformé en réalité dans beaucoup d’autres pays du continent. C’est aussi pour moi un outil pour apporter une pierre à l’édifice des nouvelles relations qui peuvent se tisser entre la France et le Bénin.
Avez-vous un appel à lancer aux jeunes qui ne connaissent pas le programme ou qui ne s’y intéressent pas assez ?
Merci à vous pour ce travail de vulgarisation que vous faites par rapport au travail de la French-African Foundation et de son programme Young leaders. Je crois qu’il y a plein de béninois qui réalisent de très belles choses dans le monde entier et au Bénin. C’est peut-être par manque de connaissance qu’ils ne vont pas vers ce programme. Et je pense qu’il faut que nous ayons tous une dynamique de vulgarisation afin qu’un maximum de personnes soient au courant et que les béninois qui brillent à travers le monde puissent intégrer ce programme pour influer sur le cours des relations qu’il y a entre le Bénin et l’Afrique et le Bénin et la France.
Un mot à l’endroit de notre compatriote co-fondateur de la French-African Foundation, Khaled Igué, qui est aussi un modèle de réussite et de leadership sur le continent africain ?
C’est un ami et frère que j’admire beaucoup depuis que nous nous connaissons parce qu’il a toujours montré de très belles qualités. Nous nous sommes perdus de vue pendant un moment et lorsque je l’ai revu dans ses accomplissements, je n’ai pas été surpris dans le sens où je pense que c’est quelqu’un qui était déjà orienté vers la réussite et de grands accomplissements. Donc merci à lui pour cette dynamique (NDLR : programme Young leaders). Cela va contribuer aussi à mettre le Bénin en lumière.
Avez-vous un appel à l’endroit des autorités béninoises ?
Je pense qu’il y a quelque chose qui serait sympa, à laquelle on pourrait travailler, c’est que le président de la République, Patrice Talon, puisse parrainer la prochaine cohorte et que les échanges dans le cadre du programme Young leaders 2024 puissent se faire aussi autour du Bénin et des dynamiques qui y ont cours parce que l’Afrique a beaucoup de choses à apprendre du Bénin. Ce qu’on a réalisé en sept années maintenant, c’est vraiment une référence, un play-book dont pourraient s’inspirer beaucoup de pays, puisqu’on a les mêmes réalités. Si les autorités béninoises pouvaient appréhender le programme Young leaders de manière à ce que le chef de l’Etat, le président Patrice Talon en soit le co-parrain de la cohorte 2024, ce serait excellent.
Interview réalisée par Nafiou OGOUCHOLA