La jeunesse béninoise est confrontée à l’épineuse problème d’emplois et orientée vers l’entrepreneuriat. Dans un contexte difficile marqué par des problèmes divers, des solutions existent faisant croire qu’un changement de paradigme est possible. C’est ce que nous apprend le conseiller municipal à la mairie de Cotonou, Sèssinou Valère Houndjènounkon, conseiller municipal à la mairie de Cotonou. Président de l’association Jeunesse défi 2000 cet homme qui porte aussi la casquette de promoteur socioculturel situe sur la responsabilité des jeunes et des parents dans la réussite professionnelle et indique des pistes de solutions pour renverser la vapeur et permettre à la jeunesse de se prendre véritablement en compte.
L’investisseur : Quelles sont les opportunités que les jeunes peuvent saisir en matière d’emplois à Cotonou ?
Sèssinou Valère Houndjènounkon : Avec les jeunes autour de moi, j’ai toujours eu à faire des observations selon lesquelles il y a tellement d’opportunités que nos jeunes frères ignorent aujourd’hui. Ils ne savent pas qu’ils peuvent saisir tout ce qu’il y a comme opportunités de travail autour d’eux. Il n’y a pas de sot métier. Ainsi donc, un jeune peut avoir un bac plus 5 sans avoir l’expérience qu’il faut pour mériter un travail à la hauteur de son diplôme. Et c’est souvent le cas. Dans une telle situation, le jeune doit d’abord se contenter de l’opportunité qui s’offre à lui en continuant par chercher des opportunités meilleures. Même s’il accepte un job de technicien de surface, son dévouement et la qualité de son travail peuvent motiver cette entreprise à s’intéresser davantage à lui et lui proposer un poste plus proche de son domaine de qualification. Il faut faire de grandes choses avec de petits moyens pour être capable de faire de grandes choses avec de grands moyens. Mais les jeunes rêvent grand et attendent de grands moyens. Par exemple, une jeune femme de mon association a postulé à un poste dans une entreprise de construction de voie où elle a été engagée en tant que drapautière pour indiquer la route aux camions, alors qu’elle a un diplôme universitaire. Après deux semaines de travail, elle faisait des observations à d’autres techniciens à l’œuvre quand un responsable l’a remarqué. Quand ce dernier l’a interrogé, elle a parlé de sa formation et on l’a engagée à nouveau en tant que cheffe d’équipe où son salaire a été multiplié. C’est pour dire qu’il faut que les jeunes arrêtent de parler de manque d’emplois. Il n’y a pas de sot métier. Ils doivent s’organiser et à partir de petits jobs, ils vont grandir et se faire une place confortable sur le marché du travail. Nos parents commençaient en bas de l’échelle et finissaient au sommet de l’administration. C’est parce qu’ils croyaient en leur travail et ils y ont donné le meilleur d’eux-mêmes.
Au même moment, nous n’allons pas les incriminer puisqu’il y a un certain nombre de situations auxquelles ils font face. Les jeunes sont confrontés aux difficultés d’obtention de petits boulots dans nos sociétés qui engagent une personne pour faire le travail que doivent faire cinq personnes. Quand ces personnes rentrent et font le récit de leur travail à leurs proches, ceux-ci se disent moi je n’irai pas me vendre à ce prix, d’où un certain désamour pour le travail. Quand bien-même l’Etat a fait l’effort de revoir le Smig à la hausse, aujourd’hui plusieurs sociétés ont du mal à se conformer à cela. Nous allons exhorter la jeunesse à la patience et au courage. Ce n’est pas parce que nous n’avons pas obtenu gain de cause aujourd’hui qu’il n’y aura pas une autre opportunité. Si nous n’acceptons pas les sacrifices de l’exploitation par un chef d’entreprise, demain nous n’allons pas connaître comment fonctionne une entreprise et comment valoriser ses richesses. Quand on ne va pas au front, on n’a jamais l’expérience du combat.
Quelles sont les opportunités pour entreprendre à Cotonou ?
Je vais saluer la démarche du gouvernement. Le président Patrice Talon à son arrivée au pouvoir a énoncé pour son second mandat qu’il y aurait des lycées techniques qui seront construits et des CEG seront transformés en lycées techniques. Nous allons saluer le gouvernement qui a pris cette initiative et qui l’a inséré dans le PAG. Nous l’exhortons à mettre cela en application afin d’offrir l’opportunité à nos enfants qui sont aujourd’hui au primaire d’avoir la chance d’être formés à un métier avant la fin de leur cursus secondaire. Ce qui leur permettra déjà en formation ou au niveau CAP de commencer par entreprendre. Nous avons de ces structures qui, aujourd’hui, organisent des formations en entrepreneuriat, artisanat et autres à l’endroit des jeunes. Je vous citerai en exemple, l’association que je préside qui, depuis cinq ans, met tout en œuvre pour donner l’opportunité aux jeunes de s’auto-employer. Depuis le collège, de se prendre en charge à travers de petits boulots issus de petites formations. Prenant mon exemple, en 2002, j’ai bénéficié d’un projet de l’Unesco en partenariat avec le Fonds des arts et de la culture qui nous a permis de suivre des formations dans plusieurs métiers, pâtisserie, restauration, cuisine et autres pendant cinq semaines pendant les vacances. Moi j’ai reçu une formation en photographie. Après cette formation, lors des anniversaires et autres occasions festives de nos parents, proches et amis, nous trouvions de petits appareils photos pour réaliser des prises qu’on allait développer au studio pour gagner de l’argent. Le projet avait été porté par une ONG qui avait promis que ce projet allait se pérenniser mais depuis cette année, nous n’avons plus rien entendu. Je me suis alors promis de relever ce défi et c’est ce à quoi nous nous attelons depuis 2019. Aujourd’hui nous sommes à la 5ème édition du projet ‘’Culture de quartiers’’ qui regroupe la jeunesse de tous les quartiers même en dehors de Cotonou. En 2022 nous avons reçu des élèves venus de Sèmè-Podji, Calavi et autres dont les parents, au vu de ce que nous avons accompli les années antérieures, ont tenu à ce que leurs enfants participent à ce projet. Parce qu’ils occupent leurs vacances avec des œuvres utiles.
Ce projet offre l’opportunité aux apprenants d’embrasser plus d’une dizaine de métiers.
Un des vrais problèmes de la jeunesse demeure la difficulté d’entreprendre en groupe. Quelles observations en faites-vous ?
Nous n’avons pas cette notion d’entreprendre en groupe, s’associer pour entreprendre. Le béninois pense que l’autre avec qui il marche tous les jours ne peut pas se mettre avec lui pour développer une entreprise. Or, dès lors que vous avez trois formations différentes, donc trois compétences, pourquoi ne pas vous mettre d’accord sur un règlement intérieur, définir les modalités de travail pour créer et gérer une entreprise ? La jeunesse veut immédiatement rentrer dans ses bénéfices. Il faut avoir d’abord comme objectif d’impacter la cible visée. C’est comme cela que l’entreprise va prospérer et rentabiliser jusqu’à ce qu’on ait la marge pour faire des bénéfices. Non seulement les jeunes ne veulent pas se mettre ensemble pour travailler mais on veut gagner de l’argent tout de suite après l’investissement.
Au sein de notre association pendant que les jeunes se font former pour un métier pratique, nous insérons des formations en entrepreneuriat, management, leadership, art oratoire pour leur permettre de se tenir devant un parterre de personnes pour défendre leurs projets et convaincre de potentiels investisseurs et partenaires financiers. Ce sont des séminaires de formation que nous organisons généralement pendant le mois de décembre pour aider la jeunesse à combler ses failles et augmenter leurs compétences.
Quelle est la responsabilité des parents dans la marche vers l’emploi et la difficulté de se mettre en association pour entreprendre ?
Les parents ont une contribution morale à apporter. La réaction des parents quand l’enfant manifeste le désir de suivre une formation alors qu’il est à l’école compte pour beaucoup. Les parents ont le devoir d’accompagner la volonté des enfants de toucher à un métier en même temps qu’il est à l’école. Les parents ont un rôle psychologique à jouer dans l’avenir des enfants car ils ont besoin d’être suivis, orientés. Il faut donner le bénéfice du doute aux enfants qu’ils s’expriment dans le métier qui les passionne. Certes, les parents ont des projets pour les enfants mais ceux-ci ont des dons, des potentialités et des facilités pour faire certaines choses et dès que les parents détectent cela et les accompagnent, cela aboutit sur des choses positives, en général.
Quant à l’esprit d’association, on remarque qu’on cotise quand il y a des événements en famille dont les funérailles. Pourquoi ne pas inculquer le même esprit aux enfants quand il s’agit de se mettre ensemble pour entreprendre ?
Interview réalisée par Nafiou OGOUCHOLA