« …s’inspirer du modèle de processus de nomination des cadres aux postes stratégiques… que j’ai proposé en 2015 »
La nomination de l’ancien maire de Kigali Pascal Nyamulinda à la tête de l’Anip a ramené sur le tapis le sujet relatif à la promotion des cadres étrangers à la tête de sociétés ou agences publiques au Bénin. Par le biais d’une interview accordée à notre Rédaction, le président du cabinet conseil GLOBAL DYNAMIS CONSULT aux Etats-Unis d’Amérique, l’expert consultant en gouvernance, stratégies et conduite de changement Edmond Sotondji s’est appesanti sur la question. A travers des réponses simples, claires et concises, il partage sa vision et renseigne sur ses impressions. Lire ci-dessous, l’intégralité de ladite interview.
L’investisseur : La promotion des étrangers à la tête de sociétés d’Etat est-elle le signe d’une bonne gouvernance ? (DG PORT, DG SBEE, DG ANATT, DG ANIP…) Comment pouvez-vous interpréter cela ?
D’abord, il n’appartient pas au Bénin de faire la promotion des cadres étrangers. Un étranger compétent dans son domaine peut faire ses preuves dans un groupe privé de droit béninois mais il n’appartient pas à l’Etat béninois de faire la promotion d’un étranger. Qui va alors promouvoir les cadres nationaux si l’Etat devrait promouvoir les étrangers ? Cet acte est un aveu d’échec sur beaucoup de plans. C’est l’affirmation de l’incapacité de notre système éducatif à produire des cadres compétents, de notre modèle social à promouvoir des valeurs de probité. C’est une démission des autorités. Comment est-ce que notre société est capable de produire les politiques qui nous dirigent et elle ne serait pas capable de produire les cadres qui vont gérer nos entités économiques ?
Quelles sont les raisons qui peuvent justifier la promotion des étrangers à la tête des sociétés d’Etat ? Est-ce un manque de compétence ou de confiance ?
La compétence n’est qu’un alibi. Les raisons sont ailleurs. Dans ce Bénin qui regorge de cadres résidant aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, comment peut-on prétendre manquer de cadres compétents. Je mets au défi les autorités politiques de lancer un appel à candidature internationale pour le poste de DG ANIP et on fera le point pour voir les profils de béninois capables qu’on va enregistrer.
Si le gouvernement manque de confiance envers les cadres nationaux, quelles interprétations peut-on donner à cela, à environ 3 ans de la fin du mandat présidentiel en cours ?
Il est difficile de faire confiance aux cadres lorsque les critères de base sont d’abord politiques et non techniques; lorsqu’on gouverne par la ruse et par la rage. Quelle image renvoie un pays dans lequel le poumon de l’économie et des entreprises stratégiques sont dirigées par des étrangers ? C’est un pays de prédation. Les ressources du pays sont pillées pour enrichir l’extérieur.
Quel peut être l’impact de la promotion des cadres étrangers sur les cadres béninois en dehors du Bénin ?
La promotion au Bénin des cadres étrangers aura à terme un impact négatif sur les cadres béninois à l’étranger. À l’étranger, les cadres béninois vont finir par perdre en crédibilité. Le regard sur eux dans leurs pays d’accueil va perdre en estime dans la mesure où ils apparaîtront comme des incapables de leur propre pays. Ce qu’ils ne peuvent pas faire chez eux, ils cherchent à l’obtenir chez nous. Si on leur préfère des étrangers au Bénin, c’est bien parce qu’on trouve qu’ils sont peut-être moins qualifiés, moins compétents, pas intègres, etc… Cette supposée mauvaise réputation finira par les suivre à l’étranger.
Avez-vous une préoccupation personnelle à aborder ?
C’est d’inviter nos gouvernants à s’inspirer du modèle de processus de nomination des cadres aux postes stratégiques en Afrique que j’ai proposé en 2015, si tant est qu’ils ont du mal à identifier des cadres béninois capables de diriger nos entreprises ou organismes publics. Ce modèle de processus de nomination des cadres aux postes stratégiques leur sera très utile même dans leur démarche partisane de remercier leurs amis et soutiens politiques. Merci !
Interview réalisée par la Rédaction