L’émission‘’Alors on dit quoi’’ de Radio France internationale (RFI), l’arbre à palabres de la jeunesse africaine des cercles de réflexion qui pèsent sur le développement de l’Afrique a reçu, le samedi 10 septembre 2022, plusieurs intellectuels africains pour plancher sur des questions relatives aux thinks tanks en Afrique. Entre autres invités, l’économiste et banquier d’investissement, Young leader 2021, co-Président de la French-African foundation, auteur du livre ‘’L’heure de l’Afrique’’ et président du think tank ‘’Club 2030 Afrique’’. Nous vous proposons ci-dessous, quelques extraits de ses interventions.
A quoi sert un think tank ? A qui cela sert ?
C’est une très belle question. Les thinks tanks existent depuis très longtemps. Ils sont beaucoup plus connus dans les pays occidentaux notamment aux Etats-Unis et en Europe. Ils ont pignon sur rue parce qu’ils sont, pour la plupart du temps, proches des politiques publiques. C’est-à-dire qu’ils conseillent des gouvernements mais aussi des entreprises dans leurs décisions. Je vais vous donner un exemple tout simple. En 2008, quand Barack Obama est arrivé au pouvoir, il y a eu des thinks tanks démocrates qui ont émis des rapports importants sur le monde à l’horizon 2030 et ont conseillé le président Barack Obama sur comment guider les politiques publiques aux Etats-Unis mais aussi les affaires du monde.
Sur le continent africain, on les connaît moins bien. Je ne sais si c’est un bien ou un mal, mais je pense que c’est un mal parce que lorsque les politiques ont, tous les jours, le nez dans le guidon pour implémenter les politiques publiques, qu’il y ait des organisations qui puissent prendre du recul et faire des prévisions sur 5, 10 voire 30 ans pour que ces pays puissent anticiper.
Est-ce une tendance de créer ? Est-ce qu’il y a un réel enjeu à influencer ces décideurs politiques ?
C’est très important parce que le monde est multipolaire et en même temps les défis auxquels nous faisons face sont des défis globaux : les questions climatiques, le terrorisme, la lutte contre la faim… Aujourd’hui, il y a des questions de guerre en Europe et en Afrique aussi. Donc il faudrait que nous puissions nous inspirer de ce qui se passe dans d’autres pays ou d’autres horizons pour pouvoir faire face à ce que nous vivons dans une géographie donnée. Les thinks tanks font des recherches, des recommandations et des études comparatives pour pouvoir implémenter les politiques publiques. Cela permet de gagner du temps et d’aller plus vite.
Le problème des ressources humaines…
Je crois que c’est un problème commun à tous les thinks tanks. Ils ne sont pas connus du grand public. C’est peut-être un peu élitiste parfois. Mais ce n’est pas aussi élitiste que ça. Je reviens juste à ça avant de répondre à votre question. Quand nous organisions un événement, nous invitons un public venu d’acteurs de tous les domaines. En ce moment il y a des débats entre personnes de plusieurs secteurs et de plusieurs générations. Donc il y a des échanges d’idées. Alors, que fait le think tank ? Il synthétise ces idées et les met sous forme de recommandations pour les pouvoirs publiques, les entreprises privées, la société civile et les associations.
Pour revenir à la difficulté liée au recrutement, c’est parce qu’on n’est pas l’action. On est avant l’action. Et quand on est dans l’ombre, c’est difficile de justifier ses réalisations. C’est comme pour les communicants, d’ailleurs. Parce qu’on aide les décideurs à prendre des décisions. Nous sommes pour pousser. Mais nous pouvons faire du lobbying de façon très forte… Et mon dernier point, c’est le point qui était soulevé. Recruter des personnes dans un think tank nécessite qu’elles aient une certaine expertise. Donc, vous avez des experts dans le think tank de manière sectorielle selon les sujets sur lesquels le think tank travaille.
Un mot sur l’indépendance financière des thinks tanks
Je crois qu’il faut clarifier. Il y a incompréhension et mélange de genre. Dans les thinks tanks, vous avez différentes catégories qui sont assumées. Il y a des thinks tanks qui sont associés à des gouvernements, c’est normal ; des thinks tanks qui sont adossés à des partis politiques, c’est normal ; vous avez des instituts de recherche financés par des pays, c’est normal ; vous avez ce qu’on appelle des thinks tanks indépendants. Et cette indépendance est relative. Il faut être honnête envers ceux qui nous écoutent. Pourquoi ? Par exemple le Club 2030 Afrique est financé par des entreprises de tous secteurs parce que nous travaillons sur les politiques publiques, l’éducation, la santé, l’agriculture et l’énergie. Donc nous sommes financés par les entreprises qui sont dans ces différents domaines. Mais ceux qui ont une thématique donnée, plusieurs entreprises du même domaine peuvent les sponsoriser.
Nous sommes proactifs. Nous allons vers des entreprises en leur disant que cette année par exemple nous avons travaillé sur le carbone et la décontamination. Est-ce qu’elles veulent nous accompagnent ? Et elles acceptent. Nous allons faire ces études et nous présentons le compte-rendu non seulement aux entreprises mais aussi aux gouvernements parce l’idée c’est que les acteurs puissent se parler entre le public et le privé. Et nous allons vulgariser ces études auprès des populations, parce que nous allons organiser des colloques, des événements ; nous allons les mettre sur nos réseaux sociaux pour atteindre encore un public plus large. Et nous pouvons écrire des livres avec des experts/
Comme ce que vous avez fait, d’ailleurs ?
Effectivement, c’est que j’ai fait avec ‘’L’heure de l’Afrique’’. Donc, il faut que les thinks tanks s’assument en fait et définissent clairement leur vision. L’indépendance est toujours relative.
Tout à l’heure on parlait de la difficulté de recruter. Cela vous interroge Khaled ?
Selon le think tank, vous avez un modèle économique différent. Ce qui est important pour mesurer l’impact des thinks tanks, c’est qu’ils soient accompagnés par des Do Tanks. Les Do tanks ce sont ceux qui mettent les recommandations en œuvre. Ils sont constitués par les pouvoirs publics, des entreprises, la société civile, des associations qui vont prendre les recommandations des thinks tanks et les mettre en œuvre. Et c’est là qu’on mesure l’impact d’un think tank.
Finalement, il y en a peu… C’est peut-être devenu une mode de créer un think tank, ou c’est peut-être un fourre-tout…
Il ne faut pas que cela devienne un fourre-tout. Pour que les thinks tanks africains puissent avoir leur place à l’international, il faudrait qu’ils définissent leurs feuilles de route et aient une vision claire. Parce que cela ne doit pas devenir un fourre-tout.
La presse est-elle l’alliée ou la concurrente des thinks tanks ?
C’est exactement ce que je disais tout à l’heure. Pour moi, les experts des thinks tanks ne sont pas des journalistes.
Mais il y a des journalistes dans les thinks tanks.
Exactement. Au fait c’est un creuset de réflexion, un laboratoire d’idées dans lequel vous avez tout le monde. Mais nous ne sommes surtout pas les concurrents des médias. Nous sommes complémentaires. Parce qu’on a besoin des médias. C’est ce que nous faisons aujourd’hui avec vous. En tant que think tank, nous amenons nos idées sur la table et nous les diffusons au grand public, avec vous. Il faudrait que ce soit réellement dans ce cadre-là.
Il y a pas mal de publications sur le sahel sur votre site…En quelques mots, pourquoi cette région est importante ? En conclusion que pensez-vous de l’impact de votre travail ?
Le sahel est symptomatique du triptyque sécurité-développement-financement. Parce que je pense que si nous arrivons à renverser la donner au sahel, nous pouvons trouver un modèle ou des modèles économiques pour l’Afrique. Dans une zone en difficulté que ce soit pour le terrorisme et les changements climatiques, arriver à mettre du développement, à faire de la croissance et à développer un bien-être pour les populations, ce serait des modèles que laisserons au temps et qu’on pourrait vraiment mettre en place.
Transcription : L’investisseur