Les Etats d’Afrique, plusieurs décennies après leurs indépendances, pour la plupart, continuent de se tarauder l’esprit à la recherche de la solution miracle pour venir à bout du sous-développement. Fer de lance de cette lutte pour le progrès, la jeunesse est appelée à jouer pleinement sa partition. En vue d’en apprendre un peu plus sur ce qu’elle pense de plusieurs sujets d’envergure pour le continent notamment le panafricanisme, la monnaie unique et autres, notre Rédaction s’est rapprochée d’un jeune militant panafricaniste, entrepreneur et promoteur de l’agence média Events+ Afrika, Winceslas Djideme.
Lire ci-dessous, l’intégralité de ladite interview.
L’investisseur : Comment peut-on expliquer le panafricanisme ? Comment peut-on comprendre le panafricanisme économique ?
Winceslas Djideme : Le panafricanisme est l’union des peuples d’Afrique et de sa diaspora autour d’un idéal commun qui est la défense de l’intérêt supérieur de l’Afrique. Il est né du désir ardent de promouvoir la bonne gouvernance dans les Etats africains. L’objectif visé par le panafricanisme est de tisser et renforcer l’unité et la solidarité des africains, la défense de notre souveraineté et la décolonisation sous toutes ses formes.
Le panafricanisme est multidimensionnel. Il a une dimension fois social, sociale, économique, culturelle et surtout politique. C’est cette dernière dimension qui impacte tout le reste. Le panafricanisme économique est l’une de ses dimensions les plus en vue. C’est l’impact de ce courant de pensée dans le développement économique des Etats africains et de la diaspora africaine.
Les leaders africains s’étaient illustrés par le panafricanisme sur les plans politique, culturel et social mais semble-t-il peu sur le plan économique. Or, il est clair aujourd’hui que l’économie est la base de toute émancipation qu’elle soit politique, culturelle ou sociale.
Le panafricanisme doit-il s’adapter ou se réinventer pour s’appesantir davantage sur l’aspect économique ?
Le panafricanisme a connu beaucoup de changements en fonction de l’évolution et des leaders qui se sont illustrés. Ce changement est marqué par un niveau élevé de l’émancipation des masses africaines à travers les mouvements panafricanistes notamment l’ONG Urgences panafricanistes dirigé par Kémi Séba. Aujourd’hui nous parlons plus du made in Africa, ce qui n’était pas le cas auparavant. Nous observons aujourd’hui beaucoup de jeunes africains émerger dans la création et gestion de starts ups, l’émergence de multinationales africaines et le changement des habitudes de consommation des africains. Donc tout cet ensemble a un impact considérable sur l’économie des Etats africains. Aujourd’hui, bon nombre d’africains préfèrent investir sur le continent. C’est déjà un grand pas dans le processus de développement économique même si nous ne sommes pas encore au bout de nos peines. Nos gouvernants doivent travailler à créer encore plus de conditions favorables pour l’émancipation économique des Etats africains. On n’a pas besoin de réinventer ou d’adapter quoi que ce soit. Le panafricanisme évolue à son rythme.
Quels sont les défis auxquels est confronté le panafricanisme économique ?
Je vais insister sur quatre points. Le premier, c’est le renforcement des échanges entre les Etats africains et l’implantation de grandes industries. Nos Etats doivent créer des conditions pour que les échanges commerciaux puissent se dérouler sans difficultés. Et nous avons besoin de grandes industries pour résoudre le problème de chômage endémique.
En deuxième point, je note le défi de la création d’une armée continentale pour faire face aux enjeux sécuritaires et surtout de la défense de la souveraineté des Etats africains.
Le troisième défi est la mise en place imminente d’une monnaie unique africaine. Le dernier point s’articule autour de la nécessité d’avoir la fédération des Etats africains. Cela ne peut pas venir maintenant mais je pense qu’avec tout ce qui se passe sur le continent, à travers les mouvements, on peut rêver que les Etats africains puissent se fédérer un jour pour constituer un seul Etat.
Entre le franc CFA et la corruption ? Quel est le meilleur mal de l’Afrique ? Pourquoi ?
Le franc CFA et la corruption constituent deux mots qui minent l’Afrique et continuent de la maintenir sous le joug de la pauvreté. Je pencherai plus pour la corruption, parce que le franc CFA est un ensemble de maux. On peut arriver à bout de la corruption par l’éducation et la formation aux valeurs et à l’éthique. Le franc CFA est un ensemble de maux qui nécessitent de trouver des voies et moyens pour leur résolution. Derrière le franc CFA, on a la corruption, la mal gouvernance et bien d’autres maux.
Tant que le franc CFA existera, la corruption persistera. Parce que le franc CFA maintient les Etats africains dans une pauvreté extrême. Qui parle de pauvreté parle de revenu faible et quand le citoyen a un faible revenu, il a tendance à se laisser aller à la corruption. Donc, dans un premier temps, il faut lutter efficacement contre la corruption. Et c’est à travers l’éducation qu’on a plus de chance d’aboutir. Mais le franc CFA, c’est un fléau odieux à combattre puisqu’il maintient notre continent sous la pauvreté.
Quelles sont les dispositions à prendre par les Etats africains pour réussir la nouvelle monnaie Eco sans tomber dans les mêmes travers que le franc CFA ?
Il faut que les Etats africains aient des institutions fortes pour prendre des décisions allant dans le sens de du développement de nos Etats. Ensuite, il faut retirer la France de toute gestion interne et externe de la nouvelle monnaie. Il faudra que cette monnaie soit fabriqué par des africains et en Afrique. Cela rendra notre monnaie autonome et on sera indépendant. Parce que celui qui contrôle votre monnaie contrôle votre économie. Il faudrait que les Etats africains prennent leurs responsabilités en retirant la France de toutes les instances de décision liées à la nouvelle monnaie.
La question de la nouvelle monnaie ne doit pas être seulement l’apanage des Etats d’Afrique de l’ouest. Il faut que les Etats d’Afrique centrale qui ont le franc CFA en commun puissent se mettre ensemble pour porter le projet. Parce que les 14 pays avec une monnaie unique rendront notre économie forte. Ce qui va augmenter le pouvoir d’achat des citoyens.
Quels sont les Etats africains où le panafricanisme économique est plus valorisé ?
Je donnerai tout de suite l’exemple du Nigéria. Son modèle économique est basé sur la production locale. Le Nigérian consomme ce qui est produit chez lui. Et c’est ce qui fait la force des investisseurs nigérians. Quand vous voyez Dangote et la plupart des investisseurs nigérians, ils sont soutenus à la base par la population locale. Et c’est cette force qui fait même que nous retrouvons sur des marchés des pays limitrophes et bien d’autres, des produits nigérians. Nous avons également le soutien de l’Etat nigérian qui accompagne ces investisseurs.
Quelles solutions proposez-vous pour faire du panafricanisme économique l’arme d’accès à l’indépendance économique ?
Il faut commencer par l’éducation. Les Etats africains doivent adapter les systèmes éducatifs à nos réalités, à l’économie des Etats africains. Nos systèmes éducatifs sont calqués sur les modèles occidentaux. Ce qui fait qu’après des formations, nos jeunes se retrouvent au chômage.
La deuxième étape, c’est que nos Etats doivent mettre en place un cadre qui va permettre aux jeunes formés dans nos universités de se mettre ensemble pour créer des starts ups. Il faudrait aussi qu’ils aient accès aux financements. C’est très important. En Europe, quand le jeune diplômé a un projet, l’Etat l’accompagne à travers les institutions financières et tout un tas de programmes spéciaux mis en place dans ce cadre. Ce qui n’est pas le cas en Afrique.
Pour finir, les Etats africains doivent créer des conditions politiques et économiques favorables pour permettre aux investisseurs africains d’investir dans leurs pays. Il faut également favoriser et faciliter les investissements des africains de la diaspora sur le continent. Ce sont, en quelque sorte, quelques solutions que nous pourrons mettre en place pour favoriser l’indépendance économique des Etats africains.
Quels conseils de gestion économique pouvez-vous donner aux dirigeants béninois ?
Je voudrais inviter nos dirigeants à créer des conditions favorables pour que les gens puissent investir dans le pays de façon permanente et durable. Cela permettra la création d’emplois en même temps que cela apportera des recettes à l’Etat.
L’Etat doit également créer un cadre pour accompagner les jeunes diplômés dans la création et la gestion de leurs entreprises.
Interview réalisée par la Rédaction