(Environ 662.000 femmes enceintées chaque jour dans le monde)
Le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) a rendu public le rapport 2022 sur l’état de la population mondiale. De ce document, il ressort qu’environ 662.000 grossesses sont contractées chaque jour dans le monde dont 50% soit 331.000 sont non intentionnelles pour ne pas dire ‘’non désirées’’.
Daphnée OUNSOUGAN
La moitié des grossesses enregistrées dans le monde ne sont pas le fait d’un choix délibéré de la part des femmes et des filles. A en croire le FNUAP, ce chiffre est extrêmement élevé. « Lorsque l’on parle d’autonomie corporelle, rien n’est plus fondamental que la capacité de décider de concevoir ou non un enfant. Mais pour beaucoup trop de personnes, ce choix susceptible de bouleverser leur existence n’en est pas véritablement un. Le droit fondamental de décider d’avoir ou non des enfants, du nombre et de l’espacement des naissances est consacré dans de nombreux accords internationaux ».
Pour quelles raisons 50 % des grossesses sont-elles alors non planifiées et un grand nombre d’entre elles non désirées ? Ce chiffre nous rappelle le nombre élevé de personnes, en particulier de femmes et de filles, qui ne sont pas en mesure d’exercer pleinement leurs droits fondamentaux. Il est le signe que les discriminations fondées sur le genre continuent de s’immiscer dans leur vie, mais également dans celle des personnes transgenres, non binaires ou qui expriment leur genre différemment. Il met en lumière de profondes carences en matière de droits, de justice, d’égalité des genres, de dignité humaine et de bien-être social au sens large. Les nombreuses grossesses non planifiées et non désirées soulèvent des questions sur la manière dont les droits et le potentiel de plus de la moitié de l’humanité sont pris en compte et reconnus. Elles nous rappellent que le monde pourrait ne pas atteindre les objectifs de développement durable en matière de santé, d’éducation et d’égalité des genres, ce qui viendrait contrecarrer les ambitions partagées par l’ensemble de la communauté internationale.
Une crise oubliée… et des raisons d’espérer
Le nombre annuel de grossesses non intentionnelles, estimé à 121 millions, soit 331 000 par jour en moyenne, prouve l’incapacité de la communauté internationale à garantir le respect d’un droit éminemment fondamental – une situation qui devrait encore s’aggraver. Les données récentes indiquent que le taux de grossesses non intentionnelles dans le monde a chuté entre 1990 et 2019 (Bearak et al., 2020), mais la croissance constante de la population mondiale entraînera une augmentation continue du nombre absolu de ces grossesses si nous ne prenons pas de mesures concrètes. Il sera encore plus difficile d’assurer les services de santé sexuelle et reproductive dont les personnes et les communautés ont besoin face aux profonds bouleversements engendrés par les changements climatiques, les conflits, les urgences de santé publique et les migrations massives. Ces tendances globales, conjuguées à une augmentation de la demande, mettront les systèmes de santé à rude épreuve, en particulier dans les pays les moins avancés, où les crises seront les plus aiguës et où les services et les ressources viennent déjà à manquer (Starrs et al., 2018). La communauté internationale s’est engagée à respecter une feuille de route fondée sur les droits, le Programme de développement durable à l’horizon 2030, en vue d’aider l’humanité à affronter ces changements colossaux. Ce cadre qui favorise le développement durable et inclusif reconnaît expressément aux cibles 3.7 et 5.6 le rôle de la garantie de la santé sexuelle et reproductive ainsi que de l’égalité des genres pour un avenir plus prospère. Ces cibles sont liées au droit de tout individu et de tout couple de décider d’avoir ou non des enfants, du nombre et de l’espacement des naissances, pour un monde où chaque grossesse est désirée et la vie de chaque enfant est valorisée. Les nombreuses grossesses non planifiées et non désirées soulèvent des questions sur la manière dont les droits et le potentiel de plus de la moitié de l’humanité sont pris en compte et reconnus.
Le présent rapport, qui se fonde sur une analyse originale (présentée dans le Chapitre 2), avance que le développement économique et social conjugué à des niveaux élevés d’égalité des genres est étroitement corrélé à des taux plus faibles de grossesses non intentionnelles. Complété par des données probantes sur les conséquences des grossesses non intentionnelles (Chapitre 5) sur les personnes et les sociétés, il confirme la nécessité absolue d’intensifier les efforts visant à garantir le respect des droits en matière de reproduction afin de réduire les grossesses de ce type. De nombreux facteurs qui contribuent à la réduction des grossesses non intentionnelles sont également des objectifs de développement fondamentaux, qu’il s’agisse de la diminution de la pauvreté ou de l’amélioration de la santé maternelle. Le coût considérable (pour les personnes, les systèmes de santé et les sociétés dans leur ensemble) des avortements non médicalisés – un problème qui compromet les droits de la personne ainsi que le développement – illustre explicitement l’interdépendance des forces en jeu. Plus de 60 % des grossesses non intentionnelles aboutissent à un avortement, qu’il soit médicalisé ou non, légal ou illégal (Bearak et al., 2020). Près de 45 % de l’ensemble des avortements étant non médicalisés (OMS, 2020), nous sommes face à une urgence de santé publique. Dans les pays en développement, environ 7 millions de femmes sont hospitalisées chaque année suite à un avortement non médicalisé (Singh et Maddow-Zimet, 2016), une situation dont le coût est estimé à 553 millions de dollars par an pour les dépenses liées au traitement post-avortement uniquement (Vlassoff et al., 2008). On considère que ces hospitalisations ont entraîné près de 193 000 décès maternels entre 2003 et 2009 (Say et al., 2014). En revanche, si nous réduisons le nombre de grossesses non intentionnelles, et par conséquent d’avortements non médicalisés, les systèmes de santé pourront consacrer des ressources à l’offre de services complets de santé sexuelle et reproductive, y compris de santé maternelle et néonatale, et réaliser des investissements aux retombées positives à tous les niveaux.