(Une action contre le principe de la libre-circulation des biens de la Zlecaf ?)
Le gouvernement du Bénin a décidé d’interdire l’importation des œufs et poulets congelés dès 2025. Une décision mue par la volonté de promouvoir l’aviculture locale. A travers une contribution publiée en ligne par Jeune Afrique, l’économiste béninois, Directeur général du Tink thank ‘’L’Afrique des Idées’’, Sophonie Jed Koboudé, a apporté son éclairage sur cette décision en s’appesantissant notamment sur le sort du consommateur modeste béninois.
Hervé CHABI
« Cette décision, quand elle entrera en vigueur, liquidera purement et simplement le pouvoir d’achat des Béninois, en particulier des plus modestes. Ainsi, afin d’accorder des privilèges aux producteurs de poulet-bicyclette, l’État est prêt à nuire au consommateur béninois. Ce dernier perdra 2 000 F CFA en pouvoir d’achat si l’interdiction d’importation entre en vigueur, puisqu’en moyenne, là où le poulet-bicyclette coûte 3 500 F CFA (5,34 euros), le poulet congelé n’en coûte que 1 500 », a-t-on pu lire dans la contribution rédigée par l’économiste béninois Sophonie Jed Koboudé. Le Directeur général du Tink thank ‘’L’Afrique des idées’’ poursuit son développement en expliquant : « Ces 2 000 F CFA, le consommateur ne pourra plus en disposer pour s’acheter un tee-shirt, une paire de chaussures ou tout autre produit de consommation. C’est donc aussi le fabricant de tee-shirts, de chaussures, etc. que l’on appauvrit en forçant le consommateur à dédier une part non négligeable de ses revenus à l’achat d’un poulet ».
Une action contre le principe de la libre-circulation des biens de la Zlecaf ?
La décision annoncée par le ministre béninois de l’Agriculture le 17 mars 2023 relance le débat sur la volonté du Bénin de ratifier l’accord de la Zlecaf. Selon l’économiste béninois Sophonie Koboudé, « Dans le même temps, les tergiversations du Bénin dans le cadre de la ratification du traité instaurant la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) envoient un signal très peu positif. La Banque mondiale (BM) a montré que la Zlecaf pourrait accroître le revenu régional de 7 %, soit 450 milliards de dollars de plus, et sortir 30 millions de personnes de l’extrême pauvreté d’ici à 2035. Pour le cas spécifique du Bénin, dans le dernier rapport « Diagnostic-pays du secteur privé », la Société financière internationale (SFI, IFC en anglais) a indiqué que la Zlecaf permettra au pays de mieux desservir les grands marchés du Nigeria et de la région. Symboliquement, l’absence de ratification béninoise risque de sortir le pays de l’histoire qui se fait. La Zlecaf incarne le rêve du panafricanisme ; plus exactement, le panafricanisme houphouëtiste ou senghorien – celui de Kwame Nkrumah ou de Ahmed Ben Bella restant un repère placé à l’horizon. On l’oublie souvent, mais l’échange est le socle du développement économique et moral des sociétés (c’est la fameuse théorie du doux commerce de Montesquieu) ». Pour finir, Jed Koboudé renseigne : « Enfin, quand on empêche les biens de traverser les frontières librement, ce sont les soldats qui les traversent. Le Bénin doit renouer avec la « ponocratie libérale » qui a fait de lui un des pays africains les plus dynamiques sur le plan économique ».