Le Bénin a accédé à l’indépendance le 1er août 1960. 63 ans après, la musique béninoise est à la croisée des chemins. En vue de mieux appréhender la situation qu’elle traverse, nous avons tendu le micro à un béninois de la diaspora, président et fondateur de Jimmy’s international productions, producteur, éditeur musical et distributeur, Jimmy Houétinou. Jimmy’s international productions est un label indépendant qui a pour but la production musicale, sa vocation est de produire des artistes afro antillais.
Lire ci-dessous, l’intégralité de ladite interview.
L’investisseur : Quels sont les artistes et musiciens qui ont fait les années glorieuses de la musique béninoise ? En quelles années ?
Jimmy Houétinou : Pour moi la fierté de la musique africaine du catalogue béninois c’était à l’époque Poly Rythmo, Gnonnas Pedro. Parce qu’il y avait du rythme et il y avait une belle écriture qui était à la fois éducative.

Quelles sont les grandes structures de productions qui ont marqué la musique béninoise depuis 1960 ?
A l’époque Disc Orion, Gibbs et Aladji Baba mais ils ne produisaient en général que les congolais, Lokassa Ya M’bongo, Mayaula et autres. Et très peu de musique béninoise.
Si vous deviez comparer le niveau actuel de la musique béninoise à celui des années 1970, 80. Que pourriez-vous dire ?
Autour de moi aujourd’hui, je ne vois pas d’artiste béninois émergent. Parce que je pense que la jeunesse aujourd’hui s’est beaucoup plus inspirée de la musique anglo-saxonne, la musique américaine. Pour moi, il n’y a pas vraiment de créativité, il n’y a que du plagiat venant de la musique anglo saxonne et notamment de la musique nigériane. Il n’y a pas de texte, pas de fondements, pas de créativité, pas d’arrangement. Je trouve ça très faible. Et pas assez créatif.
Qu’est-ce qui justifie la baisse du niveau de la musique béninoise depuis quelques décennies ?
Il faut une volonté politique pour faire évoluer la musique. Aujourd’hui, il y a la volonté politique mais les artistes en eux-mêmes n’ont pas pris la chose au sérieux. Quand j’organisais des concerts au Bénin pour les fêtes d’indépendance et autres, j’étais livré à moi-même. Et j’avais du mal à avoir les autorisations pour performer. Je n’ai pas été soutenu. J’ai financé les trois éditions de Bénin indépendance Day par mes propres moyens. Les disques que j’ai faits à l’honneur du Bénin et qui valorisent la culture béninoise et qui reste un disque intemporel dans le monde que nous écoutons partout a été financé par mes propres fonds. Je remercie beaucoup monsieur Eric Totah, actuel Directeur de cabinet du ministre de la Culture, parce que même pour obtenir les autorisations pour pouvoir performer, ce n’était pas facile. C’est pourquoi l’actuelle politique culturelle me convient. De par la prise en charge faite au niveau des espaces publicitaires et des cachets qui sont aujourd’hui proposés aux artistes béninois pour performer. Je trouve ça valorisant.
Quels sont les artistes qui représentent valablement la musique béninoise à l’international ?
Il y a Angélique Kidjo qui fait la fierté du Bénin. Richard Flash, Sergio Maxi, paix à son âme Tohon Stan, Gnonnas Pedro et Rabby Slo. Parce qu’ils étaient dans des labels de production qui les ont accompagnés. C’étaient aussi des professionnels qui ont été bien encadrés et qui ont évolué professionnellement.
Quelles solutions préconisez-vous pour le développement de la musique béninoise ? Pour les musiciens, les dirigeants, les formateurs et autres.
C’est de faire appel à de vrais professionnels. Ce n’est pas seulement une affaire d’argent. Les professionnels ce sont les arrangeurs, les producteurs, les musiciens, etc. Il faut encadrer la jeunesse et mieux structurer la musique. Nous disposons de moyens financiers mais n’avons pas assez de professionnels pour encadrer la culture à ce niveau-là. Parce que non seulement il faut de l’expérience, mais il faut aussi de la compétence. La production, c’est un métier. A l’époque, on était marginalisé. Aujourd’hui un producteur n’est pas un marginal. Il se documente, qui a la connaissance de ce que c’est que le développement d’une œuvre, ses approches, ses tendances, qui a acquis de l’expérience. Donc n’est pas producteur ou arrangeur qui veut. Pour que la musique béninoise puisse trouver son rang parmi les élites, il faut s’entourer des vrais professionnels et ceux qui connaissent et valorisent la musique.
N’oublions pas que la production musicale est un métier. C’est beaucoup d’argent. Donc il faut une vraie connaissance, une vraie culture. Il ne faut pas que les gens que pensent que le travail d’un producteur se limite au financement. Loin de là.
Quelles sont les perspectives de la musique béninoise ?
Je pense qu’on peut rêver d’un avenir meilleur avec la musique béninoise. Pour le simple fait que le fonds d’aide à la culture a été dissout et que l’initiative prise par le gouvernement béninoise de permettre à Blue Diamond d’acheter un espace publicitaire pour les artistes béninois sur Trace TV. C’est une grande initiative qui permet à notre culture de s’exprimer et autres de la découvrir.
Avez-vous un appel à lancer ?
J’aimerais dire aux musiciens du Bénin, d’Afrique et du monde que la drogue n’est pas une source d’inspiration dans la musique. Même ici en France, les musiciens qui s’adonnent à la drogue en lieu et place du travail n’ont pas fait long feu. Il faut donc que cela soit clair dans tous les esprits que seul un travail professionnel bien encadré conduit le musicien aux performances. La drogue ne fait que détruire le travail et le talent artistique. J’exhorte la jeunesse à se concentrer sur le travail. Merci.
Avez-vous une préoccupation particulière à aborder ?
Je voudrais témoigner toute ma gratitude à l’ambassadeur Roger Glèlè qui n’a jamais ménagé aucun effort pour me soutenir dans toutes mes initiatives dans le secteur de la culture. Je témoigne ma gratitude également à Jean-Louis Azé et tous les animateurs, journalistes et acteurs de la culture béninoise qui ont toujours soutenu Jimmy’s Productions depuis de nombreuses années.
Interview réalisée par Nafiou OGOUCHOLA