Le Bénin a célébré, à l’instar de la communauté internationale, la journée mondiale du capoeriste le jeudi 03 août 2023. Pour ce faire, l’association Capoeira Bénin a initié une série d’activités notamment un grand spectacle de démonstration de Capoeira le dimanche 06 août 2023 à la plage de Fidjrossè. C’est l’une des informations recueillies à travers une interview avec le président de l’association Capoeira Bénin, responsable du Centro Cultural e Esportivo de Capoeira, un des premiers maîtres africains de Capoeira, Mamoudou Fassassi.
Lire ci-dessous, l’intégralité de ladite interview.
L’investisseur : Comment peut-on présenter le Centro Cultural e Esportivo de Capoeira ?
Mamoudou Fassassi : C’est un centre dédié à la pratique de la Capoeira qui accueille chaque année plus d’une centaine d’enfants qui s’entrainent chaque semaine. Ce centre a été créé en 2018 pour promouvoir cette discipline sportive au Bénin. Parce que s’il y a une discipline sportive naissante qui n’a pas encore de lieu d’entrainement, c’est une défaillance. Raison pour laquelle nous avons fait ce qu’il faut pour mettre en place ce centre à Cadjèhoun il a de cela 5 ans.
Comment peut-on présenter l’association Capoeira Bénin ?
L’association Capoeira Bénin a été créée en 2000. Nous avons plus de 20 ans d’existence. A travers la promotion de la Capoeira, cette association a déjà mise en place d’autres associations dans six départements du Bénin. C’est l’association noyau qui a commencé la promotion de la Capoeira. On peut ainsi compter six autres associations en plus de l’association Capoeira Bénin.
L’association Capoeira Bénin s’occupe de la promotion de cette discipline sportive au Bénin. Cet art martial est l’un des arts martiaux qui font partie de notre patrimoine historique.
Quels sont les avantages liés à la pratique de la Capoeira ?
Spécialement pour des africains comme nous, la pratique de la Capoeira est une valorisation de nos valeurs. Parce la Capoeira est un art martial qui a été créée par nos ancêtres déportés au Brésil. En effet, nos ancêtres n’ont pas accepté facilement l’esclavage. Face aux maltraitances et divers actes inhumains qu’ils subissaient, ils ont développés des formes de résistances basées sur leurs cultures. Ils ont ainsi usé de l’identité culturelle africaine pour développer l’art martial qui leur servait à combattre les esclavagistes. Le Brésil fait partie des derniers pays à abolir l’esclavage et nos ancêtres esclaves avaient mené des combats âpres qui se manifestaient par des révoltes et autres mouvements dont les fuites. Donc, la Capoeira était un art martial qui servait à combattre à mains nues mais qui avait sa source dans la culture africaine. Raison pour laquelle les esclavagistes croyaient que c’était juste une danse. Jusqu’à ce qu’ils se retrouvent opposés aux capoeristes qui les terrassaient. Donc la Capoeira a eu un rôle important à jouer dans l’abolition de l’esclavage au Brésil. Bien que la traite atlantique ait été décrétée illégale en 1831, la traite négrière ne fut abolie au Brésil qu’en 1850, et l’esclavage n’y fut aboli que le 13 mai 1888, lorsque la princesse Isabel, la fille de l’empereur dom Pedro II, signa la « loi Áurea ». Mieux la garde rapprochée de cette princesse est composée de capoeristes.
Le jeudi 03 Août 2023, le monde célèbre la journée mondiale du Capoeiriste. Comment commémorez-vous cette célébration au sein de l’association Capoeira Bénin ?
Le Centro Cultural e Esportivo de Capoeira a initié une programmation d’activités dans le cadre de la célébration de l’édition 2023 de la journée mondiale du capoeriste. Comme cela tombe sur un jeudi, nous avons programmé ces activités pour la journée du samedi 05 août 2023. Mais il faut noter que c’est d’abord très important de valoriser l’art martial qu’est la Capoeira à travers la communication. Ce que nous faisons par le biais de cette interview. De même, samedi prochain nous allons donner des cours intensifs dans le Centro Cultural e Esportivo de Capoeira. Le dimanche 06 août, il y aura une démonstration publique qui sera réalisée à la plage à Fidjrossè. Nous allons faire un grand spectacle et tout le monde est invité.
Quelles difficultés rencontre la Capoeira au Bénin ?
La Capoeira avait rencontré beaucoup de difficultés vis-à-vis de son institutionnalisation au ministère des Sports au Bénin. Depuis plus de dix ans, faute de compréhension de la déontologie de cette discipline sportive, des gens ont tendance à classer la Capoeira en Culture alors que c’est une discipline sportive créée par nos ancêtres déportés au Brésil pour combattre leurs maîtres esclavagistes. Après, il y a eu des développements et des championnats mondiaux se jouent aujourd’hui. On ne peut donc continuer de nier que la Capoeira est une discipline sportive à part entière. La Capoeira est notre patrimoine historique et nous devons la valoriser pour que les générations futures puissent s’approprier aussi la culture de nos ancêtres déportés à travers cet art martial. C’est un double enjeu pour nous africains. Pratiquer la Capoeira, c’est perpétuer la tradition des ancêtres africains déportés au Brésil à travers le sport. Dans certaines universités africaines, beaucoup ne connaissent pas la date d’abolition de l’esclavage du Brésil. C’est très grave que l’éducation scolaire néglige cet aspect de l’histoire de nos ancêtres esclaves déportés au Brésil. La Capoeira constitue aussi un canal de conscientisation car c’est un grand outil d’éducation à l’histoire culturelle et sportive des africains. Cet art martial possède des mouvements plus développés et complexes que la gymnastique qu’on nous enseignait au collège par exemple.
Il faut préciser que les enseignants d’Education physique et sportive (EPS) soutiennent la Capoeira et sont en train d’intervenir auprès du ministère pour notre institutionnalisation au Bénin.
Quels sont les projets à court, moyen et long terme de l’association Capoeira Bénin ?
A court terme, nous avons en projet de faire enregistrer les autres associations qui sont nées pour formaliser notre structure en tant que fédération. Parce qu’en tant qu’association depuis plus de 20 ans, on nous fait traîner alors que d’autres sont nées et ont été reconnues quelques mois après dans d’autres disciplines sportives. Nous avons plus de dix ans à rattraper. Le Bénin est connu comme un pays qui promeut le sport et c’est très important que nous valorisons ce sport qui fait partie de notre sport. Quand nous allons nous constituer en fédération, nous allons lancer un grand exemple aux autres pays africains. Parce qu’il faut qu’un pays prenne l’initiative pour que les autres lui emboîtent le pas. Nous avons commencé depuis l’année dernière à organiser des compétitions et cette année aussi nous en organiserons. C’est pour toujours préparer la jeunesse béninoise à reprendre le flambeau.
A long terme, nous voulons réussir à institutionnaliser la fédération africaine de Capoeira. Elle va s’occuper de l’organisation des compétitions de Capoeira au plan africain et aussi des échanges entre pays africains.
Avez-vous un appel à lancer ?
J’invite les autorités béninoises à jeter un regard favorable envers la Capoeira au Bénin. C’est le sport pour le futur. La Capoeira a quitté le Brésil et se répand un peu partout et nous aimerions que le Bénin soit le pionnier de cette discipline en Afrique. Pour que ce ne soit pas les Etats d’Europe, d’Asie ou d’autres continents qui viennent nous parler de la Capoeira. Et que ce ne soit pas par internet qu’on découvre toujours la beauté de ce sport. Je viens de rentrer d’Europe et j’ai remarqué que les pratiquants qui y sont ont à peu près le même niveau que ceux de notre centre. Grâce à l’aide des autorités de notre pays, on fera de la Capoeira un art qui sera une discipline nationale. Je sollicite leur accompagnement pour la révolution du sport.
Interview réalisée par Nafiou OGOUCHOLA