La Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) a eu lieu, officiellement, le 1er janvier 2021. Quelques années après cet événement tant attendu, le but à atteindre est encore très loin. Et les obstacles s’accumulent.
Nafiou OGOUCHOLA
Les défis liés à la réussite de la Zlecaf sont nombreux. Selon le rapport intitulé ‘’Standard Bank Africa Trade Barometer 2023 : An overview of the current cross-border trade landscape in Sub-Saharan Africa’’, basé essentiellement sur une enquête menée en mai 2023 auprès de 2500 entreprises opérant dans dix pays de la région notamment l’Angola, le Ghana, le Kenya, le Mozambique, la Namibie, le Nigeria, l’Afrique du Sud, la Tanzanie, l’Ouganda et la Zambie, 35% des entreprises, dont 68% sont des PME, estiment que les échanges commerciaux intra-régionaux demeurent « très difficiles » ou « extrêmement difficiles », alors que 26% affirment qu’ils ne sont « ni faciles, ni difficiles » et 15% refusent de se prononcer à ce sujet. Les entreprises jugeant que le commerce intra-régional est très difficile expliquent leur perception par les droits de douane élevés, les réglementations commerciales inadéquates, l’insuffisance des infrastructures de transport et des pénuries des devises utilisées dans le règlement des transactions, dont notamment le dollar américain.
Alors que l’Afrique subsaharienne ne compte en moyenne qu’environ 31 kilomètres de routes goudronnées pour 100 kilomètres carrés contre une moyenne de 134 kilomètres dans les autres pays à faible revenu à travers le monde, les infrastructures routières représentent un défi important pour les entreprises qui souhaitent avoir des activités commerciales intra-régionales, en particulier en Ouganda (39 % des entreprises sondées) et au Nigeria (35 %). Par ailleurs, les coupures d’électricité sont citées comme étant un important obstacle pour les entreprises, notamment en Afrique du Sud (40%), en Tanzanie (38%), et au Nigeria (21%).
L’hégémonie des devises étrangères
La pénurie des devises étrangères sur le continent découle essentiellement de la dépréciation des monnaies africaines, de la fuite des capitaux internationaux, de la hausse des taux d’intérêt sur les marchés internationaux et de l’augmentation du service de la dette. Le rapport révèle d’autre part que 44% seulement des entreprises sondées déclarent avoir pris connaissance de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). Bien qu’il représente une importante amélioration par rapport à la précédente édition de « Standard Bank Africa Trade Barometer » (septembre 2022), ce taux demeure faible, surtout que tous les pays d’origine des entreprises interrogées ont signé l’accord portant création du marché commun africain. D’où la nécessité d’intensifier la communication à ce sujet surtout au Nigeria, en Namibie et en Zambie, où l’écrasante majorité des entreprises affirment qu’ils n’ont pas encore entendu parler de la Zlecaf.
La plupart des entreprises estiment que la mise en œuvre de la Zlecaf aura des retombées positives pour leurs activités. Les avantages les plus cités de cette zone de libre-échange sont sa contribution à faciliter la circulation des biens et des services à travers les frontières africaines (32%), l’accès à des marchés plus vastes pour les biens et les services (30%), et l’accélération du développement du secteur industriel dans les pays du continent (25%).
Le niveau de confiance en hausse en Afrique de l’ouest
En ce qui concerne les perspectives économiques au Sud du Sahara, le niveau de confiance des entreprises dans les performances économiques du (ou des) pays où elles opèrent a connu une légère hausse par rapport à la précédente édition du baromètre. Evalué sur une échelle de 0 à 100 points (100 points correspondent à une confiance totale et 0 à une absence de confiance), le score moyen relatif à ce niveau de confiance s’est établi à 58 points contre 57 en septembre 2022. Sept pays sur dix ont enregistré une augmentation du niveau de confiance des entreprises dans leurs performances économiques. Le Nigeria a enregistré la plus forte hausse dans ce chapitre (+10 points), en raison notamment de l’impact positif attendu des réformes économiques engagées par l’administration du nouveau président Bola Tinubu. Dans ce même chapitre, 43% des entreprises sondées se déclarent « optimistes » en ce qui concerne les performances économiques du (ou des) pays où elles opèrent alors que 35% se disent « neutres », 16% pessimistes et 6% ne se prononcent pas à ce sujet. Le rapport révèle que plus de la moitié des entreprises sondées n’ont pas encore entendu parler de la Zone de libre-échange continentale africaine, et recommande aux Etats d’intensifier la communication à ce sujet.
Mettre en place des sociétés de commerce et d’exportation en Afrique
S’exprimant hier, lundi 25 septembre 2023, à l’occasion de l’Africa International Exhibition qui s’est ouverte dimanche en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York, la vice Vice-présidente exécutive d’Afreximbank a mis en exergue les difficultés auxquelles sont confrontées les PME africaines sur le marché international face à la concurrence » féroce » que leur impose les multinationales et des grandes entreprises rendant leur chance de survie marginale, voire inexistante. Pour inverser la tendance, la dirigeante a invité les États du continent à soutenir la mise en place de sociétés de commerce et d’exportation (Export trading company, ETC) destinés à accompagner les PME. Les ETC sont des entreprises dont le cœur de métier est la fourniture de services de soutien aux entreprises spécialisées dans l’exportation. Du point de vue du client, cela comprend l’entreposage, l’expédition, l’assurance… des marchandises. En outre, ces dernières gèrent également les exigences légales tout au long du processus d’exportation de diverses marchandises. Prenant exemple sur l’Asie qui a relevé ce défi, Kanayo Awani a précisé que les ETC agiraient « comme des agrégateurs et créeraient un volume d’échanges considérable » pour résister à la concurrence. « Ces mesures sont particulièrement urgentes au moment où l’Afrique commence à mettre en œuvre l’Accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) ».