Le développement d’une nation passe par celui des entreprises privées dont les performances sont conditionnées par le résultat des travailleurs. Or, ceux-ci ne peuvent exploiter leurs pleines potentialités sans un certain nombre de conditions aujourd’hui réunies au sein du concept de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Par le biais d’une interview avec le rapporteur général de la Commission béninoise des droits de l’homme, Serge PRINCE AGBODJAN, nous avons cherché à comprendre quelles corrélations il peut y avoir entre le respect des droits de l’homme et la corruption, la RSE et le développement économique.
Lire ci-dessous, l’intégralité de ladite interview.
L’investisseur : Quelle est la corrélation entre droits de l’homme et responsabilité sociétale des entreprises ?
Serge PRINCE AGBODJAN : Comme nous l’avons dit au cours de l’atelier ce matin, vous prenez des aspects des droits de l’Homme tels que le respect de la dignité humaine, par exemple le respect de l’égalité, le fait d’éviter la discrimination, respecter l’environnement, etc, tous ces éléments sont des facteurs qui comptent en matière des droits de l’homme. Ces éléments ont aussi rapport à la Responsabilité sociétale des entreprises. Donc tous les instruments qui entrent en compte dans la politique RSE ont toujours un point commun avec le respect des droits humains. On peut dire que les droits de l’homme sont au cœur de la RSE.
Quelle corrélation peut-on noter entre droits de l’homme et corruption ?
La corruption a un effet dévastateur sur la personne humaine. Je peux citer à titre d’exemple l’effet dévastateur de la corruption sur la disponibilité, la qualité et l’accessibilité des biens et services. Elle fragilise le fonctionnement et la légitimité des institutions notamment la justice, l’état de droit.
L’intéressé qui a recours aux services publiques et doit corrompre des agents pour jouir de ce qui est normalement son droit subit une violation de son droit ; le patient qui n’a pas les moyens de corrompre des personnes avant d’accéder aux soins de qualité à l’hôpital engage sa vie, puisqu’il est malade. Donc, lorsqu’on fait le lien, plusieurs droits de l’Homme sont violés par le biais de la corruption. Ce qui fait qu’on ne peut parler des droits de l’homme sans parler de la lutte contre la corruption. Ce que la Commission Béninoise des Droits de l’Homme essaye de faire également en travaillant sur le concept « Droit de l’Homme et lutte contre la corruption ».
Quels sont les impacts du respect des droits de l’homme sur le marché du travail, le rendement au travail et surtout sur les performances au sein d’une entreprise ?
Ce qu’il faut retenir comme la première valeur des droits de l’homme c’est le respect de la dignité de la personne humaine. Et cette dignité est aussi consacrée par la Constitution béninoise en son article 8. Ce serait une violation et ce qui fait que lorsqu’on ne respecte pas la dignité d’un travailleur, cela constitue déjà une violation des droits de l’homme. Par exemple, quand le travailleur n’est pas bien formé pour faire le travail à lui attribué, et qu’il commet des erreurs et que vous le punissez et qu’il se fait licencier, on viole ses droits puisqu’on devrait lui apprendre encore ce qu’il faut pour faire le travail que vous attendez de lui, même s’il a déjà certaines compétences.
On ne saurait punir un travailleur qui ne maitrise pas un équipement qu’on vient lui remettre sans formation.
Le cœur du respect des droits de l’homme, c’est le respect de la dignité humaine et chaque fois que la dignité de la personne humaine ne sera pas au cœur d’une décision, eh bien les droits de l’Homme interviennent pour corriger cela.
L’environnent du travail au Bénin s’assainit avec des facilités accordées aux travailleurs notamment la revalorisation du Smig. Peut-on parler d’une forme de reconnaissance de la valeur des travailleurs, donc de la valorisation de la personne humaine ?
Oui évidemment. Et là encore, nous sommes au cœur du respect des droits de l’Homme. Si on ne remontait pas à travers quelques décisions que prend l’Etat, est-ce qu’on pourrait comprendre que la personne humaine est au cœur de certaines actions ? Certains citoyens béninois veulent vivre dans un Etat où ça va pour le mieux pour tout le monde. Donc, l’Etat a l’obligation de protéger tous les citoyens, de prendre toutes les mesures nécessaires pour valoriser la personne humaine et lui faire bénéficier des droits et des obligations qui sont en vigueur sur son territoire.
Que faire pour que les citoyens comprennent que la lutte contre la corruption est une défense de leurs droits ?
Il faut sensibiliser. Il faut expliquer. Que ce soient ceux qui sont auteurs de la violation ou ceux qui la subissent, il faut les sensibiliser. C’est que nous mettons dans la promotion dans la promotion des droits de l’Homme, ce qui relève du mandat de la CBDH. D’ailleurs, l’article 40 de la Constitution du Bénin dispose que « L’Etat a le devoir d’assurer la diffusion et l’enseignement de la constitution, de la Déclaration Universelle des Droits de l ‘Homme de 1948, de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de 1981 ainsi que de tous les instruments internationaux dûment ratifiés et relatifs aux Droits de l’Homme. L’Etat doit intégrer les droits de la personne humaine dans les programmes de d’alphabétisation et d’enseignement aux différents cycle scolaires et universitaires et dans tous les programmes de formation des Forces Armées, des Forces de Sécurité Publique et assimilés. L’Etat doit également assurer dans les langues nationales par tous les moyens de communication de masse, en particulier par la radiodiffusion et la télévision, la diffusion et l’enseignement de ces mêmes droits »
Il faut expliquer davantage aux gens que la corruption n’est pas un bon acte. Tout acte doit être apprécié dans le sens de l’intérêt général et par rapport à la norme générale. C’est le manque de sensibilisation qui fait qu’on a l’impression de penser qu’il y a un acharnement. Il faut que l’Etat communique davantage sur ces politiques.
Il faut en faire un cadre de discussion qui permette à l’Etat d’expliquer et se faire davantage comprendre en montrant tout le bien-fondé de la lutte contre la corruption et aussi tous les avantages dont bénéficie le Bénin grâce à cette lutte.
Quelle corrélation peut-on avoir entre respect des droits de l’homme et développement économique ?
Ce n’est pas même la peine de chercher une corrélation. Les droits de l’Homme conduisent au développement. Si les règles sont respectées, cela veut dire qu’il n’y aura pas de brimades. Et l’intérêt général sera priorisé. Donc, le développement économique ne peut être effectif si les droits de l’homme ne sont pas respectés. C’est normal.
Interview réalisée par Nafiou OGOUCHOLA