Le gouvernement du Bénin, fidèle à ses engagements, a initié d’importantes réformes qui ont actionné le levier du développement du secteur agricole. A travers le Fonds national de développement agricole (FNDA), d’énormes facilités ont été offertes aux acteurs du monde agricole qui se retrouvent désormais en pole position sur le marché industriel sur les plans régional et continental. C’est ce qui ressort d’une interview à nous accordée par le Président directeur général (PDG) de la société Orana SA, Togbédji Ahokpa. Le promoteur de cette société spécialisée dans la production, la transformation et la distribution d’agrumes nous renseigne sur, entre autres questions, le processus qui l’a conduit à bénéficier de l’accompagnement du FNDA et l’impact que cela aura sur ses activités. Lire ci-dessous, l’intégralité de cette interview.
L’investisseur : Comment se porte le secteur de l’agrume au Bénin ?
Togbédji Ahokpa : Le secteur de l’agrume et de l’orange en particulier commence à se porter bien au Bénin. Parce que nous sommes au début d’un processus. Les gens ont toujours transformé et/ou distribué l’orange au Bénin. C’est juste qu’il y avait un manque d’organisation. Dans quelques années je pourrai dire que la filière orange se porte mieux au Bénin. Je parle d’orange parce que c’est la principale commodité d’agrumes que nous produisons au Bénin.
Quelle est votre vision pour la filière industrielle au Bénin ?
Jusque-là Orana est producteur et vendeur d’orange. Bientôt, nous allons démarrer la transformation. En effet, nous avons récupéré le site de l’usine de transformation de jus d’orange de Zakpota pour y implanter nos installations dans le cadre de la transformation de l’orange en jus. Ainsi donc Orana aura trois fonctions notamment celles de producteur, distributeur et transformateur. Nous sommes en pleins travaux. Nous allons effectivement démarrer l’usine dès le début de l’année prochaine (NDLR : 2023).
Comment comptez-vous atteindre vos objectifs ?
Il faut dire qu’on produit pour transformer. Pas pour se demander après ce qu’on va en faire ou sur quel marché écouler sa récolte. C’est ce que nous avions l’habitude de faire, raison pour laquelle nous avons une filière agricole assez faible. Quand vous décidez d’installer une usine, vous pouvez prendre des risques parce qu’il y a un débouché. Quand je parle de risques, je fais référence à l’accompagnent des paysans notamment au niveau personnel ou au niveau des intrants. Rendez-vous compte qu’il n’y a pas un intrant spécifique à l’orange au Bénin. Certains utilisent du MPK, d’autres de l’urée… mais pas un intrant spécifique. On peut accompagner les paysans avec des intrants comme MPK et urée quand nous avons des débouchés. Mais quand nous n’en avons pas, une entreprise comme la mienne ne peut prendre ce risque.
L’installation complète de notre usine servira de coup d’accélérateur au travail organisationnel que nous faisons dans la filière au Bénin. Nous sommes une quarantaine de coopératives dans le Zou et une dizaine dans le Couffo. Etape par étape, nous allons vers l’interprofession. La promesse que nous avons faite aux autorités de notre pays, c’est d’installer l’interprofession de l’orange avant la fin de cette année. Après les coopératives au niveau de l’orange, nous sommes en train d’organiser les populations. Parce que, qui dit interprofession dit producteur, industriel et commerçant. Mais ici je ne vais pas dire industriel parce qu’il n’y avait pas d’industrie. Il y avait de petites unités parfois installées dans les maisons qui transformaient l’orange de manière artisanale et distribuaient sur le marché local.
Avec le soutien de Swisscontact, nous avons créé l’Association des professionnels de la transformation d’agrumes au Bénin (Apotab) où se trouvent tous les producteurs d’agrumes du Bénin. Orana est président de cette association. Nous sommes en train de nous installer et il y a beaucoup de choses que nous allons faire. Tout ça c’est possible quand vous avez de gros acteurs. Et le gros acteur, c’est l’usine que nous installons. Donc, l’usine est un catalyseur, un dynamiteur. Cela vient booster les activités dans tout le secteur.
Comment avez-vous connu le FNDA ?
J’ai connu le FNDA il y a trois ans environ. C’était par le biais d’un ami.
A quelle étape était votre projet avant de bénéficier des facilités du FNDA ?
Mon projet était déjà mâture. Avant de bénéficier des facilités d’une institution comme le FNDA, il faut être organisé et bien structuré. Ce n’est pas parce que ce sont des mesures mises en place par l’Etat qu’on peut en bénéficier comme on veut. A Orana, nous avons démarré le projet d’usine il y a cinq ans. La première étape c’était d’avoir des chiffres sur l’orange au Bénin. Ce que nous n’avions pas pu avoir auprès des administrations. Donc avant de bénéficier des facilités du FNDA, il faut convaincre la banque partenaire. Par exemple dans mon secteur, il faut résoudre les problèmes de matières premières et de débouchés. Concernant les matières premières, il faut résoudre plusieurs équations : est-ce qu’il y a assez de matières premières ? Est-ce qu’elles sont bonnes pour avoir les résultats que vous voulez ? Quant aux débouchés, il faut savoir où est-ce que vous allez vendre vos produits. Sur le marché local, régional, international ? Ce travail prend plusieurs années. Au-delà du temps, nous y avons consacré des moyens financiers. Quand vous réglez ces questions, vous pouvez vous présenter devant la banque partenaire du FNDA. Mais au Bénin, nous les industriels avons un problème avec les banques commerciales.
C’est pour dire que le FNDA est venu au très bon moment. Parce que le FNDA vient donner aux gens comme nous, une force, une possibilité d’emprunter chez les banques commerciales. Même quand vous remplissiez toutes les conditions que demandaient les banques commerciales, elles trouvaient que notre secteur n’était pas fiable, certain. Parce qu’elles ne maîtrisent pas les réalités du secteur. Regardez le nombre d’usines que nous avons dans notre pays. Les banques n’aiment pas financer ce genre d’investissements. Elles ne peuvent pas nous faire des prêts sur le temps de maturité dont une usine a besoin pour s’installer. Dans le cycle d’une industrie, il faut du temps de l’installation des équipements et matériels, du temps pour tester les équipements, du temps pour lancer la production. Pour une usine, le minimum pour rembourser c’est environ six, sept, huit ans. Or la banque aussi a pris de l’argent quelque part. Elle doit vite tourner et rembourser à son tour avec des intérêts. Donc les banques commerciales veulent se faire rembourser assez vite pour rembourser à leur tour assez vite. Du coup, elles ne peuvent souvent pas prêter sur le timing nécessaire à une usine.
Qui dit usine dit que vous allez compétir avec les usines au plan régional, continental et mondial, au Nigéria, au Ghana, en Côte d’ivoire ou au Brésil. Vous ne pouvez pas emprunter à n’importe quel taux et avoir des produits compétitifs. Aujourd’hui une banque locale, au Bénin et au Togo, par exemple emprunte à un taux à partir de 8,5 % environ. Au Nigéria, ils ont un taux entre 5 et 6%. Au Ghana, vous descendez même à 4%. Les autorités de notre pays ont donc compris qu’on ne peut pas vouloir compétir avec ceux-là et emprunter à ces taux. Alors la bonification du FNDA nous permet aujourd’hui de ne payer que 2% de taux d’intérêts sur nos prêts. C’est-à-dire que si la banque vous prête de l’argent à un taux de 8,5 % par exemple, le FNDA prend en charge 6,5 % et vous ne remboursez que 2% à la banque.
C’est quoi l’impact de cette bonification du FNDA ? C’est que vous pouvez installer une usine au Bénin et être en compétition avec des nigérians, ghanéens, ivoiriens et autres. C’est-à-dire que je peux produire du jus de fruits ou autre au Bénin et vendre ça au même prix que ceux-là. Avant, ce n’était pas possible. Celui qui a emprunté à 8,5 % va toujours vendre plus cher que celui qui emprunte à 6%. Vous ne pouvez jamais aller sur le même marché que lui. Celui emprunte au taux le moins élevé aura toujours le dessus. Le FNDA est venu régler un véritable problème par rapport à ça. Au niveau des garanties, leur action est réelle également. Donc le FNDA par le biais de la garantie et de la bonification des taux d’intérêt vient donner une réelle impulsion à l’industrialisation dans le domaine agricole au Bénin. Parce qu’aujourd’hui, si vous voulez faire du négoce, c’est très facile. Or, avant vous allez à la banque, on va vous demander deux ou trois titres fonciers et des chiffres à fournir concernant votre entreprise et on vous accorde le crédit. Nous avons fait cela pendant des années. Et on a constaté que l’agriculture ne s’est pas développée dans notre pays. Les banques commerciales devraient revoir leurs manières de faire.
Quel impact a eu l’accompagnement du FNDA dans votre projet ?
L’accompagnement du FNDA est venu résoudre pas mal de problèmes. Par rapport au taux, par exemple, quand vous prenez l’orange, il y quatre produits qui en découlent. Le concentré, l’huile essentielle, le jus et le compost. L’usine Orana sera la 2ème productrice de concentrés d’orange d’Afrique et la seule de l’espace Afrique de l’ouest. Le concentré est un produit international et vous ne pouvez pas aller sur ce marché en empruntant à des taux de 8, 10 ou 11 %. C’est pour ça que je dis que le FNDA est venu nous donner une vraie solution. Parce que nous permettre d’emprunter à 2%, c’est qu’aucun nigérian, ivoirien, ghanéen ne pourra pas compétir avec nous…. A moins de bénéficier des accompagnements du FNDA de son pays, personne ne peut installer une usine de concentré d’orange et compétir avec nous en Afrique. Donc, c’est une vraie solution.
Voulez-vous donc dire que les conditions d’accès à cet accompagnement ne sont pas complexes ?
Les conditions d’accès sont faciles. Il faut convaincre d’abord la banque qui a besoin des garanties. Après vous vous rapprochez du FNDA dont les facilités vous permettent de régler les problèmes de garantie au niveau de la banque et de bénéficier de la bonification du taux d’intérêt. A Orana, nous avions déjà fait un travail en amont qui nous a permis d’être prêts et dans les meilleures conditions.
Quel sera le potentiel de l’usine Orana en matière de création d’emplois et de mobilisation de recettes au profit du Bénin ?
L’usine Orana offrira 150 emplois directs à sa création. Au-delà de ce nombre, nous aurons touché de nombreuses personnes chez les producteurs et sur toutes nos chaînes d’activités. Il y aura également de nombreux autres emplois indirects.
Quant aux redevances fiscales et autres, une usine qui prend environ 50 % de la production nationale d’une spéculation, a des répercussions importantes sur toute la chaîne de valeur de cette dernière. Mieux, nous sommes des béninois donc nos investissements et réalisations participent à l’économie de notre pays. Au-delà des salaires et des impôts, nous dépensons ce que nous gagnons dans notre pays. Car l’industriel est le premier défenseur de son pays.
Un mot sur la nouvelle approche du FNDA par rapport à l’industrie béninoise
C’est une très bonne nouvelle de voir le FNDA offrir une nouvelle alternative aux petits producteurs agricoles. Mais après ça, je conseillerais au FNDA d’aider à ce qu’il y ait des usines dans chaque secteur de l’agriculture. De manière à ce que tout ce qui est produit se transforme sur place. Ce qui fait que les débouchés sont là en même temps. Le producteur n’aura plus à s’embarrasser de l’écoulement de sa récolte. Mais si le FNDA accompagne les petits exploitants dans des secteurs où il n’y a pas s’usine pour consommer leurs productions sur place, les erreurs du passé pourront vite se répéter.
Nonobstant les actions sur le terrain et les efforts dans la communication, il existe encore des sceptiques qui hésitent à se rapprocher du FNDA. Quel message avez-vous à leur endroit ?
Le FNDA, avec les deux véhicules de la garantie et de la bonification du taux, n’existait pas il y a quelques années. A ceux qui sont sceptiques, il faut leur demander s’il y a de telles initiatives au Nigéria, au Ghana, en Côte d’Ivoire, etc. C’est une vraie aide. Quand je parle d’industrialisation, je parle des industriels qui empruntent des milliards. Qui peut refuser ça ? Même en France ou en Italie, ils n’ont pas ça. Leur monnaie leur permet d’emprunter à un faible taux mais ils n’ont pas un accompagnement direct comme celui du FNDA.
Un mot pour conclure
Je voudrais d’abord exprimer ma profonde gratitude au Président de la République, son excellence monsieur Patrice Talon pour avoir imprimé la vision d’industrialisation de notre pays le Bénin. Je voudrais ensuite remercier le ministre d’Etat chargé de l’Economie et des Finances monsieur Romuald Wadagni, le ministre de l’Agriculture monsieur Gaston Dossouhoui, la ministre de l’Industrie et du Commerce madame Shadiya Alimatou Assouman qui ont su monnayer cette vision chacun dans son secteur pour le bénéfice de nous les industriels. Mes sincères remerciements vont enfin à l’endroit du DG du FNDA Valère Houssou ainsi qu’au DG de la Caisse de dépôts et consignations du Bénin, Létondé Houéton pour la confiance et les facilités.
Pour finir, j’exhorte le monde agricole à faire confiance au FNDA et à ses institutions financières partenaires. Point n’est besoin de relation pour bénéficier des facilités mises à leur disposition par le Gouvernement ; seule la qualité du plan d’affaire est le gage pour accéder au crédit à un taux compétitif.
Réalisation : Cell com FNDA
Transcription : L’investisseur