La gestion d’une entreprise requiert des dépenses dont certaines sont à temps partiel et d’autres à temps plein notamment les charges fixes incompressibles. Cause majeure de la faillite de bon nombre d’entreprises au Bénin, la gestion de ce volet important d’une entreprise mérite qu’on s’y attarde afin de mieux en appréhender les contours. Ce qui nécessite le regard d’un expert, en l’occurrence un béninois, membre des Comptables Professionnels Agréés (CPA) du Canada et détenteur d’un Master en administration des affaires (M.B.A.) de l’Université d’Ottawa, d’un CAPES (Bénin), d’un DES (Master) en Gestion des Transports (U L Bruxelles), Yao Amos SANI. Très impliqué dans diverses communautés, il a travaillé dans divers secteurs. Disposant plus de 26 années d’expérience, il a travaillé comme Consultant en Gestion, Gestionnaire de Projets, Consultant Financier, Enseignant, Formateur, Directeur administratif et Financier, Directeur des Services corporatif et du Développement organisationnel, Analyste et Animateur de radio. Homme de conviction, il a à mon actif plusieurs livres et publications.
Lisez ci-dessous, l’intégralité de l’interview qu’il nous a accordée sur les charges fixes incompressibles des entreprises.

L’investisseur : Pouvez-vous nous expliquer ce qu’on appelle charge fixe incompressible pour une entreprise ?
Yao Amos SANI, MBA, CPA-CMA : Rappelons que le compte de résultat d’une entreprise est un document relatant l’activité de l’entreprise. Il dresse la liste des recettes et des charges engagées par l’entreprise durant une période donnée. En faisant la différence entre toutes les recettes (chiffre d’affaires, intérêts de placements, …etc.) et les charges (d’exploitation, financières, exceptionnelles) on obtient le résultat comptable. Les charges variables et les charges fixes entrent principalement en jeu lorsque l’on parle de charges d’exploitation. Pour ce qui est de charges variables, elles sont fonction de l’activité de l’entreprise. Plus l’activité de l’entreprise est importante plus le montant des charges variables est élevé.
Aussi appelées charges de structure, les charges fixes sont constantes, quel que soit le niveau d’activité de l’entreprise. On dit qu’elles sont incompressibles parce qu’elles sont indépendantes du chiffre d’affaires, elles constituent des charges récurrentes que l’entreprise doit nécessairement payer, quel que soit son niveau de production. Le loyer est un exemple de charge fixe incompressible.
Quelles sont les charges fixes incompressibles pour les entreprises au Bénin ?
Le but de toute entreprise est bien la rentabilité. Et l’un des critères déterminants de cette rentabilité est la bonne gestion des charges variables et charges fixes supportées par l’entreprise. De façon générale, les charges fixes varient selon le secteur, la taille et même des orientations des activités. Au Bénin, nous pouvons citer comme charges fixes : le loyer ; les salaires ; les frais d’administration ; les abonnements ; l’entretien des locaux, etc. Les charges fiscales, principalement liées aux salaires (IS, CNSS…) ; le versement des intérêts bancaires……
Par ailleurs, les factures d’électricité, de gaz ou de téléphone peuvent aussi être considérées comme des charges fixes. Cela va toutefois dépendre de votre activité. Par exemple, le montant de la facture d’électricité évoluera en fonction de l’activité (unité de production, restaurant, cabinet…).
A combien environ peut-on évaluer les charges fixes compressibles d’une entreprise, en particulier une TPME, chaque année au Bénin ?
Nous devrions noter tout d’abord que techniquement, les charges fixes ne pourraient être compressibles que lorsqu’il s’agit des dépenses fixes comme les rémunérations des stagiaires par exemple. Sinon compresser des charges fixes reviendrait pour les entreprises à faire des ajustements voire des compromissions, chercher d’autres financements (dette bancaire, apport des actionnaires…) ou réduire les coûts (licenciements, délocalisation…). Pour faire court, il serait irrationnel de définir ou évaluer les charges d’une entreprise sans la connaître, ni de secteur, ni de taille, ni du nombre de personnel…
En comptabilité, nous calculons les charges fixes comme suit (il ne s’agit pas ici de faire peur à vos lecteurs) : partant de la formule basique du Seuil de rentabilité (SR) = [charges fixes (CF)/taux de marge sur coût variable (MCV)], nous pouvons déterminer les charges fixes en faisant : Charges fixes (CF) = [SR x MCV], sachant que MCV = [(chiffre d’affaires – Charges variable) / (chiffre d’affaires)] x 100.
Au vu des charges fixes incompressibles d’une entreprise au Bénin, quelles sont les chances de survie des entreprises ?
Lorsqu’une entreprise s’installe, elle prévoit depuis son démarrage, une partie de son budget aux fonds de roulement qui devront servir le cas échéant à gérer charges fixes. Les chances sont données à toutes les entreprises de réussir sinon que le travail crucial reste le management de l’équipe.
Il faut préciser que l’activité doit toujours être suffisante pour couvrir l’ensemble des charges. Il est donc impératif pour un dirigeant, d’identifier toutes les charges fixes que supporte son entreprise. Celles-ci constituent en effet un facteur clé dans le calcul du seuil de rentabilité de la société.
Quelles sont les réformes à opérer pour aider les entreprises ? Est-ce réduire les charges ou bénéficier d’accompagnements divers ?
Les deux. Lorsque l’état opère des reformes allant dans le sens d’allègement fiscale, cela favorise l’implantation des entreprises. Plus les accompagnements sont, mieux les entreprises se portent.
Mettre en place des structures d’appui-conseils et d’accompagnement dynamiques pour accompagner les TPME de l’idée d’entreprise jusqu’au suivi des activités passant par le financement. Ces structures vont aider les TPME à étudier les idées de projets, les aider à monter le plan de projet et de demande de financement, au démarrage des activités et aux suivis.
Avez-vous une préoccupation particulière à aborder ?
La réussite des affaires, surtout des PME, dépend des structures d’accompagnement des entrepreneurs, et en particulier dans des environnements instables comme celui du Bénin. Cet accompagnement va de la formation aux financements (et / ou crédits) en passant par des incitatifs fiscaux. Tout Africain est un entrepreneur né, on voit l’exemple de nos parents qui ne sont pas allés à l’école qui réussissent leurs petits commerces, leurs exploitations agricoles. La question est de savoir pourquoi est-ce que ce sont ceux qui sont allés à l’école qui craignent plus d’entreprendre et quand ils s’y lancent beaucoup échouent ?
Le développement du Bénin passant par le développement de sa classe moyenne, de son niveau de consommation, les autorités doivent viser le bien-être et la hausse du pouvoir d’achat de cette classe, par divers incitatifs, actions et initiatives. Merci et que Vive le Bénin !
Interview réalisée par Nafiou OGOUCHOLA
Ouvrages publiés
Cette Afrique des marionnettes et du mensonge des sciences, Éd. AB, Sudbury 2023 (Canada)
Le leadership à l’ère de l’information, Éditions DHArt, ON 2019 (Canada)
Afrique : Défi du bien-être en éducation, Éditions DHArt, ON 2018 (Canada)
Construire une autre Afrique de l’avenir, L’Harmattan, Paris 2018
Bénin, Investir dans l’avenir : l’impératif d’une éducation innovante L’Harmattan, Paris 2018