L’Organisation internationale du travail (OIT) a rendu public le Rapport mondial sur les salaires 2022-2023 consacré à l’impact de l’inflation et du COVID-19 sur les salaires et le pouvoir d’achat. Du document publié par l’organisation internationale, il ressort que la croissance des salaires a connu une forte baisse en Afrique ces dernières années.
Luc TOSSOU
En Afrique, les données recueillies par l’OIT traduisent une forte baisse de la croissance des salaires réels de 10,5 pour cent en 2020, puis de 1,4 pour cent en 2021 et de 0,5 pour cent au premier semestre 2022. Dans les États arabes, les données préliminaires sur l’évolution des salaires semblent indiquer une faible croissance des salaires à hauteur de 0,8 pour cent en 2020, de 0,5 pour cent en 2021 et 1,2 pour cent en 2022.
En Amérique du Nord (Canada et États-Unis), l’effet de composition a été très prononcé en 2020, avec une forte hausse des salaires réels de 4,3 pour cent. Par la suite, la croissance des salaires est retombée à 0 pour cent en 2021, puis à –3,2 pour cent au premier semestre 2022. En Amérique latine et dans les Caraïbes, l’effet de composition a également été très visible, avec une hausse des salaires réels de l’ordre de 3,3 pour cent en 2020. Cette croissance des salaires a, par la suite, diminué pour atteindre –1,4 pour cent en 2021 et –1,7 pour cent au premier semestre 2022.
Dans l’Union européenne, où les programmes de maintien dans l’emploi et l’octroi de subventions salariales ont largement protégé les niveaux d’emploi et de salaire au cours de la pandémie, la croissance des salaires réels a ralenti pour s’établir à 0,4 pour cent en 2020, puis a de nouveau augmenté à hauteur de 1,3 pour cent en 2021, avant de retomber à –2,4 pour cent au cours du premier semestre 2022.
En Europe de l’Est, la croissance des salaires réels a ralenti et était de 4,0 pour cent en 2020 et 3,3 pour cent en 2021, avant de chuter à –3,3 pour cent au premier semestre 2022.
En Asie et dans le Pacifique, la croissance des salaires réels a ralenti et était de 1,0 pour cent en 2020, puis est passée à 3,5 pour cent en 2021 et a, de nouveau, ralenti au premier semestre 2022 pour s’établir à 1,3 pour cent. En Asie centrale et occidentale, la croissance des salaires réels a diminué et est tombée à 1,6 pour cent en 2020, s’est fortement redressée en 2021 et a ralenti pour s’établir à 2,5 pour cent au premier semestre 2022.
Une baisse des salaires mensuels de 0,9 pour cent
Dans ce contexte de tensions inflationnistes, les données préliminaires disponibles pour le premier semestre 2022 témoignent d’une baisse brutale des salaires mensuels réels. Les estimations réalisées pour ce rapport révèlent une baisse des salaires mensuels de 0,9 pour cent en termes réels, à l’échelle mondiale, au premier semestre 2022, ce qui représente la première chute enregistrée en la matière depuis la première édition du Rapport mondial sur les salaires en 2008. Lorsque la Chine, où la croissance des salaires est plus élevée que dans la plupart des autres pays, est exclue de ces calculs, la baisse des salaires réels est alors de 1,4 pour cent sur la même période. Parmi les pays du G20, qui concentrent environ 60 pour cent des salariés dans le monde, la diminution des salaires réels au cours du premier semestre 2022 est estimée à 2,2 pour cent dans les économies avancées alors que, dans les économies émergentes, la croissance des salaires s’est ralentie mais est restée positive, à 0,8 pour cent. Cela indique clairement que, dans de nombreux pays, les salaires nominaux n’ont pas été, au cours du premier semestre 2022, ajustés de manière adéquate pour pouvoir compenser la hausse du coût de la vie.
Notations sur le rapport
Cette édition du Rapport mondial sur les salaires témoigne du fait que les salaires des ménages et leur pouvoir d’achat ont été fortement amputés au cours des trois dernières années, non seulement en raison de la pandémie liée au COVID-19, mais également, alors même que l’économie mondiale commençait à redémarrer, du fait de la hausse de l’inflation dans le monde. Les données disponibles pour l’année 2022 suggèrent que cette hausse de l’inflation se traduit par une croissance négative des salaires réels dans de nombreux pays, réduisant ainsi le pouvoir d’achat de la classe moyenne et frappant plus durement les populations à faible revenu.
Cette crise du coût de la vie vient s’ajouter à d’importantes pertes en termes de masse salariale totale des travailleurs et de leur famille pendant la crise liée au COVID-19, qui a principalement heurté dans de nombreux pays les populations à faible revenu. Faute de réponses politiques adéquates, nous pourrions être confrontés dans un proche avenir à une forte baisse du revenu réel des travailleurs et de leur famille, associée à une augmentation des inégalités, fragilisant ainsi la reprise économique et risquant d’accroître les tensions sociales.